La Belgique, origine d’un génocide [Comment l’expliquer à mes enfants ?]

Article : La Belgique, origine d’un génocide [Comment l’expliquer à mes enfants ?]
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16 avril 2019

La Belgique, origine d’un génocide [Comment l’expliquer à mes enfants ?]

Je cherche un moyen d’expliquer l’inexplicable à mes enfants : pourquoi des frères et des sœurs décident de tuer leurs propres frères et leurs propres sœurs pour une idéologie, pour un dogme, pour rien d’objectif, en fait ? Je vous propose de m’accompagner dans ma réflexion afin de trouver une manière d’expliquer à mes enfants l’inexplicable.

Dans mon cheminement réflexif pour trouver les moyens d’expliquer à mes enfants le génocide des Tutsi au Rwanda, pays où l’on réside depuis plus de 10 ans, je me fixais la fois précédente comme repère pour un « début » la construction des identités meurtrières, c’est-à-dire, ce qui définirait, subjectivement, pourquoi l’autre n’est pas moi, pourquoi s’obséder à trouver nos différences et à vouloir les éliminer. Ce sont les belges qui ont propagé l’idée des identités ethniques et qui les ont associées à des raisons biologiques au Rwanda. Mais pourquoi les belges ?

Le texte qui suit, je l’avais publié sur ce blog en juillet 2014 après m’être rendu compte qu’Ambiorix, considéré comme le type même de « l’ancien belge », l’ancêtre de notre petite nation, était le leader et le seul survivant en sursis d’un massacre perpétré par les romains et qui avait emporté tout son peuple… Alors je ne sais pas, mais un peuple, une nation comme la Belgique, qui s’est obstinée en son temps (révolu, heureusement) à classer les races, les ethnies, définit son identité ancestrale à partir d’un peuple éliminé par les centuries romaines ? La notion de nation sur une base biologique commune en devient plus qu’absurde. Lisez plutôt :

Génocide réussi et démagogie

Chronique d’un génocide réussi

Ce qui s’est passé dans la région de Tongres aux alentours de 50 AC est qualifié de génocide par certains historiens et archéologues. Quelques années auparavant, les éburons menés par Ambiorix se révoltent contre les occupants romains et massacrent des troupes romaines. La vengeance de César sera terrible.

Tout ce petit monde de terribles gaulois ne sera pas tué de suite puisque de la main d’œuvre est nécessaire pour exploiter les ressources que les romains sont venus chercher : de l’or principalement. Les éburons survivants de la colère de César suite au massacres des troupes romaines et qui seront capables de tenir un glaive auront leur main droite coupée. Les derniers massacres auront lieu en 51 AC, après que les éburons aient appris à jouer du glaive de la main gauche et auront massacré, pour la deuxième fois des troupes romaines. Après 50 AC, plus un seul éburon ne foulera la surface de la terre mis à part Ambiorix, en fuite probablement dans la forêt. Le génocide est réussi.

Ambiorix
Statue d’Ambiorix à Tongres. Crédit : ArtMedia (WikiCommons)

La région était tellement dépeuplée suite à ces massacres que l’empereur Auguste, trente ans plus tard, a du faire appel à des tribus germaniques pour repeupler la région dévastée. Parmi eux, les Tongres, qui donneront leur nom à la plus ancienne ville de Belgique1.

Démagogie

Faire le lien entre les mains coupées des éburons et celles des « travailleurs » congolais dans les exploitations de caoutchouc sous le règne de Léopold II2, le roi bâtisseur, est très démagogique, mais la tentation est trop forte. Cependant, en terme de démagogie, il y en a certains qui sont passés maîtres dans la pratique. C’est le cas de Louis Michel par exemple, député européen qui a déclaré que Léopold II était « un héros avec de l’ambition pour un petit pays comme la Belgique ». Il parle aussi de « l’arrivée de la civilisation » au Congo grâce au monarque belge. Et pour répondre à l’affirmation que la Belgique s’était enrichie grâce l’exploitation du Congo, Louis Michel, ancien ministre des affaires étrangères n’hésite pas à répondre que « c’est de la démagogie pure. Léopold II ne mérite pas de tels reproches. Les Belges ont construit le chemin de fer, des écoles et des hôpitaux et mis en marche la croissance économique. Un camp de travail ? Certainement pas. En ces temps-là, c’était simplement la façon de faire. » 3 4

Carl de Keyzer, un photographe flamand, est retourné au Congo avec un guide touristique de 1958. Il est retourné sur les hauts-lieux touristiques de l’époque pour les comparer sur pellicule avec les descriptions de son guide. Les seuls bâtiments encore en état de l’époque coloniale sont les prisons5

À l’arrivée des colons belges, la région de l’actuel Congo a connu sa plus grande migration massive, des villages entiers étaient désertés pour ne pas servir de main d’œuvre forcée dans les exploitations de caoutchouc ou dans les gisements d’ivoire6. Le narrateur de Au coeur des ténèbres 7 8 de J. Conrad est resté atterré devant ces africains attachés, fers au cou à un arbre alors qu’il venait de débarquer au Congo. A la fin de sa quête, après la remontée du fleuve que l’on suppose être le Congo, on se retrouve face à la folie de Kurtz, un agent chargé de fournir le pouvoir colonial en ivoire devenu complètement fou et dont la parcelle est entourée de pieux surmontés de têtes humaines. Le critère de l’entreprise étant la rentabilité et le saccage rapide des ressources, peu importe qui était envoyé au Congo. « Kurtz était un excellent agent », un capitaliste zélé, en fait. Conrad a bel et bien voyagé au Congo, à bord du « Roi des belges », sa nouvelle s’inspire de ses voyages et des récits de Stanley lors de son expédition pour retrouver l’aventurier Oscar Schnitzer9.

Et pour en revenir à Ambiorix, il est tout aussi démagogique de l’avoir déclaré héros belge, chef d’un peuple disparu, immortalisé avec sa moustache et ses cheveux roux au vent, ses yeux clairs (dans les manuels scolaires), son torse musclé, ses tablettes de chocolat et son casque « Astrérix ». Est-ce que cette image de « père fondateur » définit vraiment l’identité belge ? Ambiorix était-il francophone ou néerlandophone ? Il est étonnant que dans le contexte démagogue belge actuel, aucun historien ne se soit encore posé la question…

1 https://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/14/villa/texte1.htm

2 https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_ind%C3%A9pendant_du_Congo#Les_mains_coup.C3.A9es

3 https://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-06-22/congo-louis-michel-prend-la-defense-de-leopold-ii-777638.php

4 https://euobserver.com/9/30345

5 https://afriqueinvisu.org/congo-belge-carl-de-keyzer,190.html

6 « Negrologie : pourquoi l’Afrique meurt », Stephen Smith, Ed. Mille et une nuits, 2005

7 Ce livre inspirera même le film « apocalypse now » de F.F Copolla. A la fin du film, il est possible, paraît-il de voir un exemplaire du livre de Konrad sur la table de nuit de Kurtz.

8 « Heart of darkness », J. Conrad, Wordworth Editions

9 https://fr.wikipedia.org/wiki/Emin_Pasha


Je peux difficilement remonter plus moins… Mais est-ce que ce serait un bon point de départ pour expliquer un génocide à mes enfants ? J’en doute… Je me demande si je ne commencerais pas par essayer de comprendre, par une image, ce qu’est le racisme. Ce sera la prochaine étape sur ce blog. A bientôt.

N’hésitez pas à partager vos impressions, ça peut toujours aider.

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