Lagrenouille

Le Rhino en ville, derrière la clôture électrique

[Cliché en Nouvelle Pangée] Un rhino derrière une clôture électrique à Nairobi. Un militaire armé n’est pas loin.

Rhinocéros noir à Nairobi
Rhinocéros noir à Nairobi derrière une clôture électrique. CC Eric Leeuwerck

Nairobi, Kenya, 7 avril 2016. En Nouvelle Pangée, derrière une clôture électrique, on peut rendre visite à un Rhinoceros noir, Diceros bicornis, en pleine ville. Un militaire, vigilant, n’est pas loin, AK-47 en bandoulière. Le Rhino est tranquille. En Nouvelle Pangée en juin 2018, 11 rhinocéros du Kenya ont été transférés du parc national de Nakuru vers celui de Tsavo ; 10 sont morts à cause du stress du transport. Le seul survivant a été attaqué par des lions en juillet.

Le Rhino de Nairobi dans son parc en pleine ville est pénard, il broute à longueur de journée, seul, dans son enclos électrifié. Il se cache parfois derrière un arbre et quand enfin il se montre ça fait ooooh !, aaaaah !, comme un semblant de safari sauvage. C’est une chance de voir un représentant d’une espèce en danger critique d’extinction, même en pleine ville avec tous ces gens. Les autres partent pour voir un lion en cage et des hyènes tachetées qui gambadent dans une sorte de square. Moi, je reste un peu, j’aimerais qu’on partage un moment avec D. bicornis, comme lors de mes dernières visites que je faisais à mon grand-père avant qu’il n’entre à l’hôpital, avant la fin. Le rhino se rapproche débonnaire et vient brouter tout près de nous. Comme pour rajouter de la solennité à ce moment, mes enfants d’habitude bruyants ne disent rien et regardent la peau du rhino, enduite de latérite, on l’écoute ruminer, mastiquer, respirer. Ses cornes sont magnifiques.

En Nouvelle Pangée, j’ai vécu un moment privilégié.

Nouvelle Pangée. Il y a 250 millions d’années, les surfaces immergées de la planète étaient réunies en un supercontinent, la Pangée.  La tectonique des plaques a fracturé et séparé la Pangée en continents. Les segments à la dérive ont lentement développé des écosystèmes uniques avec leur propre biodiversité. Et puis, les humains ont commencé à se déplacer sur la planète. Les continents qui avaient été écologiquement isolés pendant des millions d’années sont reconnectés par les mouvements physiques des humains et ce qu’ils transportent : tout et rien. Le monde n’allait plus jamais être le même, connecté et affreusement uniforme. Bienvenus en Nouvelle Pangée.

 

 


Les touristes aux éléphants

[Cliché en Nouvelle Pangée] Des touristes observent un troupeau d’éléphants à travers l’écran de leurs téléphones

Touristes aux elephants
Des touristes observent des éléphants en milieu naturel. Crédits : Eric Leeuwerck

Parc de l’Akagera, Rwanda, 2 décembre 2018. En nouvelle Pangée, des touristes au bord de l’excitation sautent hors de leurs Land Cruiser long châssis pour observer un troupeau d’éléphants de plus d’une vingtaine d’individus. Les moteurs tournent toujours, on entend à peine quelques barrissements. Certains touristes retourneront vite dans leur Land Cruiser long châssis, le seul vrai semblant d’aventure, pour vérifier si les clichés sont bons et si il y a un peu de réseau dans ce coin sauvage. Sauvage, mais peut-être pas entièrement exempt de civilisation.

En Nouvelle Pangée, un événement n’est vécu que si il est validé par une communauté de followers ou amis, virtuels juges intransigeants de la véracité des faits d’une vie. D’une vie qu’on ne connaît pas d’ailleurs ou qu’on ne sait plus vivre. En Nouvelle Pangée, croiser la route d’un troupeau d’éléphants en milieu sauvage n’est pas plus extraordinaire qu’une case cochée sur une liste de choses à faire avant de je ne sais quoi. Ou avant cette échéance de fin d’existence, lorsque l’arthrite du pouce empêchera de scroller.

Nouvelle Pangée. Il y a 250 millions d’années, les surfaces immergées de la planète étaient réunies en un supercontinent, la Pangée.  La tectonique des plaques a fracturé et séparé la Pangée en continents. Les segments à la dérive ont lentement développé des écosystèmes uniques avec leur propre biodiversité. Et puis, les humains ont commencé à se déplacer sur la planète. Les continents qui avaient été écologiquement isolés pendant des millions d’années sont reconnectés par les mouvements physiques des humains et ce qu’ils transportent : tout et rien. Le monde n’allait plus jamais être le même, connecté et affreusement uniforme. Bienvenus en Nouvelle Pangée.


La roussette paillée de Kigali est en grave danger

La roussette paillée Africaine est une espèce de chauve-souris frugivore classée quasi-menacée sur la liste rouge de l’IUCN. La destruction des ses sites de repos diurnes et d’alimentation représentent une grave menace pour la survie de l’espèce à Kigali.

Je suis en train de conclure une recherche de deux ans sur le sujet, je règle quelques petits détail avant de proposer mon texte au fameux « peer-reviewing » obligatoire pour espérer être publié. Mais en avant première (comment il se la joue !) je vous présente la traduction de la partie Discussion/Conclusions de ma recherche :

E. helvum à Kigali. Crédit J. Ntwara (avec son aimable autorisation)

« La colonie de la colline de Kiyovu à Kigali a souffert des sévères coupes d’arbres qui ont été opérées depuis le début de cette étude en septembre 2016. Aucun des deux sites n’a accueilli de groupes de chauves-souris de manière permanente depuis octobre 2018 en ce qui concerne le site de « Camp Kigali » et depuis septembre 2017 en ce qui concerne le site de la « Présidence ». Les sites arborés fréquentés la nuit par les chauves-souris pour leur alimentation ont également été sévèrement affectés par les changements urbains de Kiyovu et de Kigali en général. Il ne fait aucun doute que la population d’E. Helvum est affectée par ces changements. Cette étude a cependant collecté d’importantes données concernant les habitudes d’E. Helvum dans le quartier de Kiyovu et alentours avant les importantes coupes d’arbres.

Dissémination de graines de le pollen

Hall (1983) a démontré que les chauves-souris frugivores sont des disséminatrices efficaces de graines, tout comme E. helvum, qui est capable de transporter des graines sur de très grandes distances (Richeter et cumming 2008). Les chauve-souris frugivores effectuent aussi des échanges de graines entre différentes parcelles de forêt et participent à la colonisation végétale de larges surfaces ouvertes et dénudées de végétation (Phua et Corlett 1990), elles peuvent également transférer des graines et du pollen entre différents sites dans des paysages fragmentés (Bollen et al. 2004). Selon Richter et Cumming (2008) E. helvum peut parcourir jusqu’à 59 km par nuit entre ses sites de repos diurne et ses sites d’alimentation.

La présente étude a révélé que la colonie d’E. helvum de Kigali consommait les fruits de 11 arbres différents appartenant à 6 familles différentes (Voir Tableau 1) dont plusieurs espèces indigènes du genre Ficus sp. (Ficus sycomorus ; Umuvumu, un arbre d’une grande importance dans la culture rwandaise). Il a aussi été que l’espèce pollinisait les fleurs de deux espèces d’arbres (Voir Tableau 1).

Tableau 1 : Interactions observées entre E.helvum et différentes espèces végétales à Kigali ; Eric Leeuwerck

Destruction des sites de repos diurnes

Les sites de repos diurnes étaient situés sur des terrains publics et privés avec, dans le cas du site de « Camp Kigali » une grande activité urbaine : garage, magasins, école primaire. Un article publié dans le journal Igihe (2016) décrit la crainte des personnes du quartier : odeurs et peur des maladies. Des rencontres informelles avec des professeurs de l’école primaire sur le site de « Camp Kigali » et des habitants du quartier révèlent qu’ils sont dérangés par le bruit des chauves-souris ainsi que leurs excrétions et que les enfants de l’école primaire en ont peur. Le Vice Maire de Kigali a déclaré lors d’une rencontre informelle que, de son point de vue, ces chauves-souris sont une nuisance et que la seule solution serait de couper les arbres. Le propriétaire d’une partie du terrain a expliqué être mis sous pression par les occupants de son terrain pour faire partir les Roussettes, il a pris des mesures telles que faire de la fumée avec des herbes mouillées ou couper des arbres (coupes radicales de septembre 2017). La dernière coupe radicale des arbres d’octobre 2018 est apparue dans un contexte de crise d’Ebola dans les provinces du Kivu en RDC, provinces frontalières avec le Rwanda. Des études démontrent un lien entre les chauve-souris frugivores et le virus Ebola (Hayman et al. 2012). Beaucoup de personnes expriment leur peur que les roussettes de Kigali apportent Ebola dans le pays. Lors des dernières coupes radicales, ce sont les espèces d’arbres choisies par les Roussettes qui ont été ciblées pour l’abattage, Cupressus lusitanica principalement (voir Tableau 2). Ces faits démontrent à quel point il est important que les autorités locales et les personnes qui fréquentent les sites où E. helvum réalise ses activités soient informés et sensibilisés afin de changer l’image des roussettes auprès du grand public.

Tableau 2 : coupes d’arbres effectués au site de « Camp Kigali », Eric Leeuwerck

Variation des effectifs de la colonie

Selon les comptages d’effectifs d’E. helvum effectués mensuellement sur le site de Camp Kigali, il apparaît que leur nombre fluctue de manière saisonnière, elles étaient en nombre plus élevé durant les mois de mai et juin (7800 en juin et 4600 en mai 2017) et 0 chauve-souris ont été observées durant les mois de janvier à février 2017 et janvier 2018. Cette variation saisonnière est corroborée par les conclusions de Richter et Cumming (2006) que E. helvum est une espèce migratrice. En juin 2018, le nombre de chauve-souris a atteint 7800 individus selon les estimations de la présente étude alors qu’en mai 2017, moment du pic d’effectifs de la colonie pour cette année-là, elles étaient 4600. Cet influx de près de 3200 chauve-souris peut s’expliquer par les deux hypothèses suivantes :

  • Il y a des contacts entre la colonie de Kiyovu et d’autres colonies aux alentours de Kigali, comme celle de Rwamagana où une colonie de chauve-souris a été observée.

  • Le site de « Camp Kigali » est le seul site ayant subsisté et pouvant accueillir des Roussettes paillées à Kigali après les coupes radicales du site de la « Présidence » en septembre 2017.

La période de monitoring dans le cadre de cette étude était relativement courte pour donner des conclusions définitives concernant l’origine de cet influx de Rousettes paillées. Cependant, puisque des sites de repos diurnes ont été détruits (le site « Présidence » n’existe presque plus) et que le site « Camp Kigali » a lui aussi subi de sévères destructions en septembre 2017, il semble peu probable que les Roussettes aient choisi cet endroit, il semble plutôt qu’elles aient été contraintes d’y aller, malgré la présence des autres chauve-souris, n’ayant pas d’autre endroit pour leur repos diurne, avant les derniers abattages d’arbres d’octobre 2018.

Arbres coupés en octobre 2018 sur le site de Camp Kigali. Crédit Eric Leeuwerck (CC-BY NC)

Suite aux abattages d’arbres de septembre 2017 et d’octobre 2018, des petits groupes de chauves-souris ont été observés en mouvement alors que d’autres groupes se sont organisés pour aller en sites de repos diurnes dans des endroits de la ville où elles n’avaient pas encore été observées de manière régulière. Suite aux coupes d’octobre 2018 du site de « Camp Kigali », quelques chauve-souris ont été observées près du site de la « Présidence » dans des parcelles de particuliers et ont ensuite disparu. Un groupe a encore été entendu le 23 octobre dans la vallée entre Kiyovu et Rebero pour ensuite disparaître dans la nature. Leur trace a, jusqu’à présent, été perdue.

Une augmentation de la mortalité d’E. helvum a été observée durant les périodes de septembre à décembre. Après cette période, le nombre de chauve-souris diminuait fortement lors des comptages (Voir Figure 1.).

Figure 1 : Fluctuation des effectifs d’E. helvum sur le site de « Camp Kigali » entre mai 2017 et juillet 2018, Eric Leeuwerck

Les roussettes de Kigali luttent pour leur survie

Les chauve-souris souffrent grandement de la période sèche (Septembre-octobre). Suite à cette période, aux alentours de fin décembre, janvier et Février, la disponibilité en fruits dans la ville sur les arbres diminue drastiquement annuellement (observation personnelle), cela correspond à leur départ saisonnier qui s’apparente à une migration annuelle. Mickleburgh et al. (1992) suggèrent qu’un déclin de population et des dynamiques de population altérées sont communes chez la plupart des espèces de chauves-souris frugivores et serait une réponse à la déforestation, à la perte d’arbres sur leurs sites d’alimentation et de repos diurne, et autres changements d’origine anthropique de leur habitat, au changement de disponibilité et de répartition de leurs sources de nourriture. C’est en accord avec les suggestions de Mickleburgh et al. (1992) que l’on peut conclure que le comportement erratique de la colonie d’Eidolon helvum à Kigali est une réponse aux changements radicaux que les Roussettes subissent.

La perte d’arbres pour le repos diurnes d’E. helvum est une menace majeure pour le maintient de l’espèce à Kigali et rend leur avenir incertain en ville. Il est donc fort probable que la disparition des sites habituels pour le repos diurnes des chauves-souris détruise la colonie d’E. helvum elle-même, obligeant les chauves-souris à trouver des sites alternatifs, ce qui semble très difficile étant donné l’urbanisation croissante de Kigali et du Rwanda en général. Poiani et al., (2000) ont démontré que les Roussettes paillée africaines ont besoin d’un réseau fonctionnel de sites de repos et d’alimentation. Cela signifie que E. helvum nécessite un grand nombre de sites pour sa survie. Les observations réalisées dans le cadre de cette recherche au sujet de la destruction des sites de repos diurnes, de leurs mouvements erratiques et de la variation de leurs effectifs suggèrent que la colonie d’Eidolon helvum de Kigali est en train de lutter pou sa survie.

Si des mesures urgentes ne sont pas prises pour la protection de la colonie de Kigali, une diminution drastique dans les effectifs de ce qui fut la « colonie de Kiyovu » vont se produire dans un futur proche.« 

Références :

Bollen, A., Van Elsacker, L., and Ganzhorn, J.U. 2004. Relations between fruits and disperser assemblages in a Malagasy littoral forest: a community-level approach. Journal of Tropical Ecology, 20: 599 – 612.

Hall, L.S. 1983. Black flying-fox, in Complete book of Australian mammals (R. STRAHAN, ed.). Angus and Robertson Publishers, Sydney, 280–281

Hayman, D.T., Yu, M., Crameri, G., Wang, L.F., Suu-Ire, R., Wood, J.L., and Cunningham, A.A. 2012. Ebola virus antibodies in fruit bats, Ghana, West Africa. Emerging infectious diseases, 18(7): 1207 – 1209.

Igihe. 2016. Camp Kigali:Uducurama dushobora gushyira mu kaga ubuzima bw’abanyeshuri. [Accessed 2017 November 9]. https://igihe.com

Mickleburgh, S.P., HUTSON A.M. and RACEY P.A. 1992. Old World fruit bats. An action plan for their conservation. IUCN, Gland, Switzerland, viii + 252 pp.

Phua, P.B., Corlett, R. 1990. Seed dispersal by the Lesser Short-nosed Fruit Bat (Cynopterus brachyotis, Pteropodidae, Megachiroptera). Malayan Nature Journal 42: 251-256

Poiani, K.A., B. DRichter, B.D., Anderson, M.G. and Richter H.E. 2000. Biodiversity conservation at multiple scales: functional sites, landscapes, and networks. Bioscience, 50: 133 – 146.

Richter, H.V. & Cumming, G.S. 2006. Food availability and annual migration of the straw-colored fruit bat (Eidolon helvum), Journal of Zoology (London) 268, 35 – 44.

Richter, H.V. and Cumming, G.G. 2008. First application of satellite telemetry to track African straw-coloured fruit bat migration, Journal of zoology, (London) 275: 172 – 176.


Tinder, pour les cas désespérés

Reproduisez-vous qu’ils disaient ! Et Tinder fut créé. Bon, je ne dis pas que Tinder a été créé uniquement pour se reproduire, il y a la partie rencontre aussi. Mais pas seulement.

 

Sexy playing cards front par Tifanny Terry, via Flickr CC

 

C’était évidemment un peu de l’ordre de l’acte désespéré de s’être inscrit sur Tinder, mais bon, pourquoi pas ? Tout le monde peut y trouver son compte, non ? Et puis tant que cela se fait entre personnes consentantes, hein ? Une amie nous racontait à moi et ma femme sur la terrasse d’un café à Malines en Belgique comment son frère, un gars assez difficile visiblement, avait trouvé son âme sœur sur Tinder. En tous les cas, ça avait l’air de bien se passer au lit. Et puis ils ont eu un enfant. Et ça se passe toujours bien enfin, il y a des disputes, pour des conneries, c’est le propre des couples passionnés. Et puis la conversation s’est orientée sur le fait que peut-être c’était un peu tôt pour avoir un enfant, qu’il valait mieux prendre la peine de mieux se connaître avant d’avoir des enfants, ils venaient à peine de se rencontrer, ils faisaient l’amour comme des lapins, et qu’ils ont peut-être emménagé un peu trop tôt dans un petit appartement. La conversation allait bon train quand ma femme demande à son amie « ah ? Et c’est quoi Tinder ? » elle fût assez étonnée que ce soit moi qui lui réponde « ah ben oui, tu ne connais pas ? C’est le nouveau réseau social à la mode pour les rencontres. »

-blanc-

« Mais ? Comment tu connais ça toi ? » Je lui réponds que « euh, eh bien, tout le monde connait Tinder, non ? »

-blanc-

« Non, moi je ne connais pas Tinder, mais toi oui. »

Je tente de faire diversion en commandant une autre bière, une Maneblusser typique de Malines. Je me mets à expliquer que Maneblusser, ça veut dire « extincteurs de lune ». Selon la petite histoire, un homme saoul, un soir de pleine lune de 1687, dans les rues de Malines aperçoit le beffroi de la ville en feu. Il se met à crier « au feu ! au feu ! au feu ! » Des files de volontaires se forment depuis la Dyle, la rivière qui passe au milieu du patelin, où on prélève de l’eau dans des seaux qui sont passés de bras en bras jusqu’à l’immense tour pour tenter d’éteindre l’incendie. Mais l’incendie ne s’éteint pas. En fait, il n’y a jamais eu d’incendie dans le beffroi. La tour, noyée dans le brouillard (et un peu dans l’eau des seaux des Malinois) un soir de pleine lune rouge a fait croire au « zate zivereer », au soulard, à l’incendie… Depuis, les malinois sont, comme leur bière, surnommés les Maneblusser.

Ma bière est servie, l’opération diversion réussie.

Mais moi, je suis effectivement au courant de l’existence de Tinder et je me dois quand même d’expliquer pourquoi ce profil a été créé. On pourrait se dire qu’à 44 ans c’est un peu tard pour tenter de nouvelles rencontres qu’on espère coquines, qu’il vaut mieux laisser ça aux plus jeunes, surtout quand on a déjà deux gosses. Mais bon, le profil a déjà été créé. Malheureusement, il n’y a pas eu grand monde au portillon même si le cas était désespéré, tout comme cette tentative de toucher le plus de personnes possible avec ce profil sur Tinder, mais rien n’a pu être fait. Quand j’ai raconté cette histoire à mes élèves, l’un d’eux ma même dit « Quoi ?! Mais pourquoi on ne parle pas de ça au journal télévisé ? » Oui, je suis d’accord avec lui. On en a parlé un peu, mais pas beaucoup, pas assez en tous les cas. J’y repense souvent à ce profil.

Il y en avait quand même 700 comme lui au début des années ’70. Mais lui, il était le dernier mâle. La dernière fois que j’ai repensé à cette histoire de profil Tinder c’est en découvrant Caltrop et leur album « Ten Million Years And Eight Minutes » :

Ce rhino, avec des ailes de papillon, qu’est-ce que c’est beau. C’est surtout la précision du « Dix millions d’années et huit minutes » qui m’a frappé. Est-ce que Sudan, le dernier rhinocéros blanc mâle du nord, euthanasié le 19 mars 2018 au Kenya était, au moment précis de sa mort le dernier représentant d’une lignée apparue il y a exactement 10 millions d’années et huit minutes ? J’imagine que les vétérinaires, au moment d’injecter la dose létale, au bord des larmes, ont noté une heure précise, souci administratif, quand le cœur de l’animal s’est arrêté de battre, une phrase sobre du genre « 2:08 pm, Sudan is dead ». Ça n’aurait servi à rien de tenter de le faire vivre plus longtemps, il n’arrivait même plus à se déplacer tout seul. Ça faisait un an à peine que son profil Tinder avait été créé par Ol Pejeta Conservancy, l’organisation responsable de la réserve du même nom au Kenya. Le but de l’opération ? Élever Sudan au rang de « célibataire le plus convoité du monde » pour sensibiliser le grand public à la situation de quasi-extinction du rhino blanc du nord et tenter de lever des fonds pour essayer une insémination artificielle sur les femelles encore en vie. Il n’y avait pas beaucoup de candidates pour Sudan, les seules femelles qui auraient pu aller consulter son profil étaient Najin, sa fille survivante après la mort de Nabiré et sa petite-fille Fatu. Un peu glauque cette consanguinité. Des échantillons d’ADN de Sudan ont quand même été prélevés, on ne sait jamais, dans le futur peut-être, la technique d’insémination artificielle sera au point. C’est la seule chance de préserver la sous-espèce, prolonger sa survie encore un peu. C’est dérisoire même si l’espoir pourrait faire revivre. (Si tu veux en savoir plus sur la vie de Sudan, sa page wiki est bien documentée.)

La famille des Rhinocerotidae a ses origines qui remontent à la fin de l’Eocène, il y a plus ou moins 34 millions d’années. Beaucoup d’espèces sont apparues et ont disparu, au moins 26 genres de Rhinocerotidae ont habité l’Eurasie et l’Amérique du Nord jusqu’au milieu de l’Oligocène. Aux alentours d’1,5 millions d’années, le rhinocéros blanc se sépare de l’espèce des rhinos noirs en Afrique. L’espèce se divise ensuite en deux sous-espèces, les rhinos blancs du nord et ceux du sud. On parle de sous-espèces car bien que différents sous certains aspects et séparés géographiquement, ils peuvent avoir une descendance fertile dans le cas où ils se rencontreraient quand même, aux détours d’une savane.

Bon, vous êtes bien d’accord que si j’avais raconté cette histoire de rhinocéros à ma femme pour lui expliquer ma connaissance de Tinder j’aurais eu l’air d’un guignol, non ? Sudan, lui, il ne se posait sûrement pas toutes ces questions stupides. On est quand-même une drôle d’espèce, nous, Homo sapiens. En 44 ans, on a perdu 60% des effectifs de vertébrés sauvages selon le dernier indice « planète vivante » de la WWF. 60% en un peu plus de 40 ans, un véritable effondrement. Cette histoire de pouce préhenseur, de cerveau qui consomme 25% de nos nutriments et de notre oxygène pour « labourer, traire, rafistoler une durite, consigner un bail, stocker des hydrocarbures (…) assaisonner, joindre, vernir, pédaler (…) et se tenir debout (…) » (C’est extrait de « Goéland », du Théatre Sans animaux), c’est pas un truc qui pouvait finir bien.

60 % des vertébrés.

Et après nous, les arthropodes.

 


Un gros silence depuis mars, les raisons, les vraies

Mais ? Sproutch Lagrenouille serait-elle devenue folle ? Euh, non, enfin, je ne pense pas. A moins que je sois dans le déni. Ou alors, je me suis enfin fait écraser par le joli rouleau compresseur (ben oui quoi, Sproutch Lagrenouille, ça vient de là, la blague, de Sproutch Lagrenouille sur une route, enfin, soit). Mais pourquoi plus rien depuis mars ? Explications.

Il y a des moments de la vie comme ça, où tout vient d’un coup, c’est ce qui est arrivé à partir de mars 2018 en ce qui mon concerne. Déjà, des remises en question, plein. Crise de la quarantaine, peut-être, mais en tous les cas oui, j’ai eu 40 ans il n’y a pas longtemps.

En mars, on a commencé à monter une pièce de théâtre avec des amis, c’est une pièce sur trois camarades de longue date qui se disputent autour d’un tableau blanc. Je ne peux pas dire le titre de la pièce, il est interdit de la jouer en amateur. Mais bref, on l’a jouée, ça a pris un temps fou à tout retenir mais qu’est-ce que c’était cool ! On a joué dans une piscine vide, la petite profondeur était l’estrade et la grande profondeur, c’était la fosse pour le public. C’est le genre d’événement assez rare en ce moment à Kigali, une pièce de théâtre, plus de 200 personnes sont venues nous voir. Aussi, j’avoue que j’adore faire le con avec mes élèves ados, mais ça m’a rassuré de constater que je pouvais aussi faire l’imbécile avec des « adultes » de mon âge. Comme quoi, l’âge, c’est un état d’esprit. Cette année, on va monter un café-théâtre avec entre autres, des textes de mon blog, yeah !

Quelques petits soucis de santé aussi, rien de grave. Mon fils, il y a quelques années, a chopé une mycobactérie mais heureusement ce n’était pas la tuberculose. Un ganglion est réapparu chez lui il y a quelques mois. Après quelques sueurs froides on s’est rendu compte que c’était soit les poux qui lui ont provoqué ça (trois invasions à l’école l’année scolaire passée ! Peignes, shampoings et tout le bazar ! On en a même observé au microscope) ou la toxoplasmose. Car oui, on a adopté un chat aussi.

Alors, l’histoire du chat. De voyage en Ouganda, on voit une portée de chatons, comme c’est mignon et tout et tout. Le proprio de l’endroit nous dit « je vous en donne un mais il faut d’abord qu’il soit sevré, je vous l’enverrai à Kigali dans quelques mois ». On fait un « oui oui » des plus complaisants en se disant que le Monsieur dit ça pour faire plaisir aux enfants attendris. Et quelques mois plus tard, le téléphone sonne à 5 heures du matin : « votre chat est à Nyabugogo ». On va le chercher, le chat a voyagé depuis Kabale enfermé dans un sac dans un coffre de voiture, 4 à 5 heures de route, il est complètement sonné. Et donc, on l’adopte. Et j’ai passé quelques nuits avec lui quand il s’est remis de sa stérilisation et aussi quand il s’est fait piquer par un scorpion et qu’il a chié mou et vomi pendant trois jours, partout. Mais il a survécu. On l’a appelé « Ichumi ».

Ça nous pendait au nez mais il fallait déménager l’école aussi : trop vétuste, on avait encore des toits en asbeste, et le reste se dégradait petit à petit… Déménager deux labos de sciences vieux de plus de 50 ans, ça a été un sacré boulot, sans de vrais moyens pour le faire en fait… Des acides sulfuriques, des organiques volatiles et tout ça à conditionner dans des cartons emballés dans du papier brouillon, ça m’a bien fait suer le dessous les bras. Et puis, je ne veux plus revoir comment ces caisses ont été embarquées dans les camions par les déménageurs. Mais tout s’est bien passé. Un peu de casse mais rien de grave, je suis assez fier, j’avoue.

Eric Leeuwerck (CC-BY-NC)

Donc voilà, l’Ecole belge de Kigali est dans de nouveaux bâtiments à Gisozi (bye Kiyovu), dans les murs d’une école turque toute nouvelle mais qui a du fermer pour de sombres raisons…

Et puis, en même temps, il a fallu déménager une nouvelle fois de maison. Ça faisait à peine un an qu’on avait changé de maison, on s’était fait gentiment exproprier de la précédente. Donc voilà, on a passé quelques semaines dans les caisses, avec les problèmes de dos qui ont suivi. Mais voilà que le chat, qui nous a suivi, a exterminé tous les oiseaux du jardin de notre nouvelle maison, malgré sa clochette ! Avec des petits cadavres alignés sur le paillasson. Fini les amarantes, les bulbuls, les tisserins, hirondelles et autres nectaridés. Et on a fini par le donner à une collègue qui la chouchoute, enfermée dans un appartement. Tant mieux pour elle, sale bête.

Et puis, d’autres problèmes de santé. On traîne une bilharziose depuis un petit moment, les anti-corps ont augmenté et j’ai aussi négligé le traitement de mon hémochromatose, ça se soigne à coup de saignée, comme au moyen-âge. Du coup, j’ai une bonne surcharge de fer et le foie est assez dense. Faire gaffe. Mais si le foie est dense, les tissus cardiaques sont aussi chargés en fer. Pas cool, mais il y a des solutions, je vais aller me faire saigner plus souvent.

Aussi, il y a mes petites protégées mais que je n’arrive plus à protéger :

Une roussette rwandaise. Crédit : Bérénice Winderickx (et son aimable autorisation)

Presque deux ans que je suis de près la colonie de roussettes paillées de Kigali. Je les compte chaque mois, aussi, depuis un an et je reporte aussi les dégradations de leurs sites arborés de repos diurne, et c’est la catastrophe. J’ai subi des intimidations et je me suis fait « interdire » d’observer les chauve-souris. Même si je continue à avoir des échanges cordiaux avec certains chercheurs conscients de la situation, je pense qu’elles sont vouées à disparaître de la ville… Je ne vais pas vous faire un laïus sur leur importance indéniable, mais l’espèce est ici en train de se faire saquer à tour de bras. J’en sauve quand je peux et j’avoue ne pas toujours savoir à quelles maladies je m’expose et je pense que je vais commencer à planter des arbres et semer des graines illégalement. Je suis en train de terminer un rapport sur mes observations, en anglais. J’ai trouvé une institution qui veut bien publier mon papier après un peer-review, et j’ai réussi à trouver du soutien de quelques chercheurs, dans le sens, « on croit ce que vous dites » car ici, mes observations n’ont pas trop de crédit car pas officielles. Je suis désespéré à ce sujet et toute suggestion d’aide est la bienvenue…

Et à propos d’arbres et de déménagement, on a déménagé nos arbres de l’ancien site de l’Ecole belge ! Le projet pédagogique s’appelait « J’emporte mon arbre », et les arbres ont été emportés, ils sont sauvés ! J’ai fait en plus un plan de potager aussi pour le nouveau site :

Eric Leeuwerck (CC-BY-NC)

Les enfants de primaire qui collaborent avec le projet grâce à Madame Wendy ont même réalisé une maquette du potager pédagogique :

Eric Leeuwerck (CC-BY-NC)

Et voici les vaillantes pousses d’arbres et plantes rescapés qui n’attendent qu’à être replantés, dont (K. africana, le « saucissier » africain dont la dissémination dépend, à l’heure actuelle des humains à Kigali et la pollinisation des roussettes paillées). Il se trouvera en plein milieu du futur potager.

Eric Leeuwerck (CC-BY-NC)

Avec un ami, on a eu la saugrenue idée de vouloir faire du savon avec de l’huile d’avocat. Défi impossible selon un ami chimiste et les sites de savonniers ou en tous les cas, dans des proportions importantes. Eh bien voilà, on a réussi à faire un savon avec 70% d’huile d’avocat ! Le but premier était de trouver un usage à l’avocat autre que l’huile et la consommation de fruits, il y a beaucoup de pertes lors des récoltes faute d’usage. Donc, on a d’autres amis qui nous ramènent de l’huile du Burundi, et on a de l’huile d’une autre sorte qui est dans un bus, actuellement, en route depuis Malindi en direction de Kigali pour la session prochaine de saponification à froid. Le tout donne un savon onctueux et hydratant, un délice ! (Enfin oui, on ne le mange pas hein !) Parfumé aux huiles essentielles d’ici.

Eric Leeuwerck (CC-BY-NC)
Eric Leeuwerck (CC-BY-NC)

Les moules et les coupe-savons ont été fabriqués ici aussi. On mène donc un projet informel et collaboratif, on se rémunère en savons, on partage la technique et la recette à ceux qui nous aident.

Et entre autres choses encore, on a distillé du rhum (la canne à sucre de Kimihurura fermente spontanément ;-)), j’ai arrêté de faire de la bière, je passe les problèmes d’arthrose cervicale (ben oui, l’âge des articulations), le climat qui change et la fatigue et tellement d’autres choses.

Depuis mon départ des réseaux sociaux, je me suis rendu compte que faire un blog sans le promouvoir, c’était difficile. Heureusement que pour ma part j’ai la communauté de Mondoblog et du Café des sciences qui font pas mal de boulot de promotion. Je prends toujours beaucoup de plaisir à écrire mais ça me tanne de passer du temps sur les réseaux sociaux à faire la promo de mes articles perso. Si, visiblement, l’un ne va pas sans l’autre actuellement, je fais quoi : je reviens sur les réseaux sociaux ou j’arrête mon blog ? J’ai pris ma décision qui est…

… aucun des deux. Écrire, ça prend du temps. Écrire pour mon blog, à part le plaisir d’y écrire, ça ne me rapporte rien d’autre mis de côté quelques vues mais ce n’est pas énorme. Sans publier, je tourne à du 50 vues par jour en moyenne et quand je publie, je monte parfois en one shot à plus de 100 vues. Je suis une fois monté à 700 mais voilà. Ces scores modestes de nombre de vues me donnent l’impression d’avoir une sorte de public fidèle, et c’est pour ceux-là que je vais continuer à écrire. Mais différemment. Je n’ai plus le temps d’écrire un bon sujet toutes les semaines ou toutes les deux semaines, vraiment pas. Je vais continuer à écrire, mais quand l’envie et le temps seront là. Je me suis lancé dans des projets d’écriture personnels, des sujets qui me tiennent à cœur comme les chauve-souris, le racisme et des chroniques de voyages. Je ne sais pas si je les publierai un jour, je pense que c’est plus une écriture cathartique, à l’image de mon dernier post d’hier « après un long silence« .

Sur le blog, désormais, je partagerai mes épanchements émotionnels (chouette, se dit le lecteur qui est arrivé jusqu’ici) ; des chroniques de voyage et des extraits de mes écrits. Et des photos aussi. Pas de panique, il y aura toujours un fond de science hein ! C’est au travers de ses grilles d’analyse que je vois le monde. Et le monde que je vois est aussi un peu déformé par mon astigmatisme, je dois le dire. Mais je ne me suis pas encore teint les verres de mes lunettes en rose. Je pourrais le faire, je verrais peut-être le monde en plus joli ? Mais mon anti-reflet foireux me joue déjà assez de tours comme ça (oui, j’ai parfois l’impression de voir des vidéos youtube en 3D, c’est trippant (oui, c’est un anglicisme)).

Bon, alors voilà. On se fait la bise ? Je ne sais pas. Je ne sais pas vous dire à quand on se verra. Mais on se lira, c’est sûr !

Amahoro à tous !

Et si l’envie vous le dit : un commentaire fait toujours plaisir 😉


Après un long silence

Le contexte, c’est maintenant. La raison ? C’est la vie. Et les algorithmes peuvent aller se pavaner entre eux.

Contexte

Oui, c’est bien l’orage qui se met à gronder. Un nuage de poussière s’est levé depuis le fond de la vallée pelée, à nu. Sécheresse et pluies torrentielles l’ont usée. Le climat change. Ça va tellement vite. 2030, nouveau délai, avec 1,5°C, nouvel objectif à éviter. En 2030, mon grand fils aura 20 ans, ma fille en aura 17. On sait qu’on ne peut pas être sérieux à ces âges là, mais on leur aura laissé ça, un monde qui a créé des monstres, des exponentielles, ces courbes…

Bon, je ne sais pas comment ce type est rentré dans mon jardin, mais en tous les cas il est là. Moi, je suis pénard, la guitare 3/4 de mon fils entre les mains, mais je ne joue pas, je suis perdu dans mes pensées et là, il y a ce type qui arrive. Il se déplace en béquilles, il lui manque une jambe et sa seule chaussure ne manque pas de style, un cuir noir parfaitement ciré, brillant et qui finit en une longue pointe. Le type n’est même pas intimidé par mon regard peu avenant et je pourrais même dire qu’il s’en fout. Il vient vers moi tout sourire, me tend la main en se tenant le coude en signe de respect, je tends la mienne et il me fait un salut. Il s’assied, devant moi.

– Jésus a un message pour toi.

Chouette (ironique), un prédicateur. Il poursuit.

– Je t’ai vu dans la rue avec ton fils, et je sais que ton fils bougera les gens dans le futur, Dieu utilisera ton fils pour faire changer les choses dans ce monde.

Moi, j’ai un gros défaut, c’est que j’ai du mal à me débarrasser des gens, même en cas d’intrusion, comme ça, même quand ils disent des conneries. Mon fils a entendu le mec et vient voir ce qui se passe.

– Il fait quoi le Monsieur, papa ?

Je cherche une réponse cohérente mais rien ne sort.

– Prions.

Le Monsieur me prend la guitare des mains, fait semblant de ne pas savoir jouer et puis d’un coup, se met à jouer une mélodie correcte. Voulait-il me faire croire à un miracle ? En tous les cas, il me regarde. Il arrête subitement de jouer et fait un geste bizarre avec les mains et dit des trucs. Parfois il hausse le ton. Mon fils le regarde amusé. Moi je suis un peu gêné et je me demande comment est-ce que je vais le mettre dehors sans le vexer. Je me lève en faisant « Bon ! Eh bien, voilà, merci beaucoup ! ».  Il me répond « que Dieu vous bénisse », je lui réponds « Ah, merci, bonne chance ». Je ne sais pas ce que je suis sensé dire dans ce genre de situation. Et il repart.

Cette histoire est authentique, je le précise au cas où. Mon fils retourne dans la maison, et le fil de mes pensées reprend.

Donc, des exponentielles, ces courbes indomptables qui tendent vers l’infini en suivant une asymptote, une droite, une foutue droite qu’elles tentent de rejoindre, mais qu’elle ne pourront jamais toucher, comme un amour impossible, ces saloperies de courbes qui, en tentant de percer le ciel réduisent l’espace entre elles et l’asymptote à l’infiniment petit. Le ciel est foutu en l’air.

La pluie se met à chasser, elle est venue vite, brute. Les gens courent pour se mettre à l’abri et j’espère que le prédicateur a trouvé le sien. La poussière, ce n’était pas grave, on a l’habitude, ça se bouffe. Mais pas la pluie. On attend qu’elle passe. Elle passera vite, violente, on en ressortira groggy.

Et le temps passe

Et là, je m’excuse du silence sur mon blog, des mois que je n’ai pas aligné deux mots, je m’excuse auprès des personnes qui avaient pris l’habitude de me lire et de ne pas avoir publié de contenu depuis, oulala… (attendez, je regarde la date de publication de mon dernier post, tamdadam…) mars 2018 !

Mais en même temps, je ne m’en veux pas trop non plus. Je considère toujours un blog idéal comme le reflet du quotidien d’une personne, on y choisit sa ligne éditoriale (ou on choisit de ne pas en avoir), et puis on décide de sa régularité de publication. Je suis en train de m’orienter vers un choix de non-régularité de publication. Je m’étais dit que je devrais peut-être essayer de publier toutes les deux semaines par exemple mais non, je n’y arrive pas. Depuis mars, une foule de trucs sont arrivés et ont dû être faits, je vous expliquerai plus tard. Et puis, il y autre chose aussi.  J’ai vu il y a quelques semaines un docu sur de jeunes youtubeurs qui devenaient millionnaires à coups de vidéos (je ne reviens pas sur le nom du reportage). Mais voilà que ces jeunes sont aux prises avec un algorithme qui leur impose un rythme de travail et de publication infernal. Et si l’algorithme n’est pas content, il se permet de rétrograder les youtubeurs dans les référencements et même de supprimer des vidéos. Le contenu semble importer peu pour l’algorithme, un des gars postait des vidéos de lui en train de jouer en ligne, c’était un hollandais avec un nombre incalculable de vues. Sa copine est connue aussi sur Youtube, elle fait des vidéos dénuées de contenu mis à part ses imposants seins qu’elle montre parfois à la caméra, elle n’a pas l’air d’avoir plus de 20 ans. Mais ce n’est pas du porno, non non non. Pas en tant que tel en tous les cas. Dans ce même reportage, certains youtubeurs se sentent obligés de dévoiler plus de choses de leur vie intime, sinon, les vidéos ne marchent pas et là, le système est pornographique. « Exactement. Avant d’être une industrie masturbatoire, la pornographie est l’art de montrer ce qui est obscène. […]. À force de représenter l’obscénité, on la banalise et on finit par l’admettre. » — (Denis Robert, Vue imprenable sur la folie du monde, Les Arènes, 2014, chap. 9). Quand certains de ces jeunes gens se sont rendus compte qu’ils ne pourraient pas tenir ce rythme de vie (Youtube, réseaux sociaux, etc.) toute leur vie, que leur bulle, qui avait grandi autour de leur monde, pouvait éclater à tout moment, ils percevaient l’éphémère de leur situation. Les réactions étaient diverses : pétages de plombs, dépression, changement radical de vie, ou encore, s’accrocher à ce qui pouvait leur rester de vues. Au moment où ils ont cru atteindre le ciel, tout s’est réduit à l’infinitésimal, putain d’exponentielles.

Ah ! J’ai retrouvé le reportage :

J’avoue que cette vidéo m’a fait peur. Ces gamins arrivent au sommet de leur notoriété à quoi, 20 ans ou un tout petit peu plus ? Et puis, c’est la chute, le retour à une vie normale… Bon, soit.

Je me suis retrouvé devant un dilemme, est-ce que ça vaut la peine de continuer mon blog ? C’est quand même des années de travail, je ne peux pas le laisser tomber comme ça.  Mais le monde change vite, trop vite (putains d’exponentielles). Il est loin le temps des skyblogs de notre adolescence, nos journaux intimes en ligne… J’ai l’impression d’être hors du coup en fait. Et j’avoue que mon audience augmente uniquement si je publie du contenu pas trop long et régulièrement. Et après, ça retombe. Ce que je comprends aussi c’est que, le texte ou le contenu, si il ne correspond pas aux critères imposés par un algorithme, tombe dans les oubliettes des référencements du web. Ça me décourage. J’ai aussi l’impression que la plupart des blogs d’aujourd’hui s’évertuent à faire la promotion d’une boîte, que c’est aussi devenu une sorte de produit de consommation. Et puis maintenant, on écrit plus (quel ringard, franchement), on fait des vlogs. Il faut pas croire hein, mais je me suis demandé si je ne me mettrais pas à faire un vlog aussi. Mais non, je suis trop attaché à l’écriture et je n’aime pas cette mise en scène vidéo… Je pourrais faire un vlog sur ma vie de prof de sciences par exemple, ça pourrait être rigolo, mais je préfère laisser ça aux plus jeunes. Ce n’est pas que je me sente vieux, non, mais parce que je pense avoir plus de recul. A l’époque où tout le monde commençait à écrire sur des skyblogs, que les connexions Internet dans les maisons bloquaient les lignes téléphoniques en faisant des bruits bizarres, je lisais Guy Debord et sa « Société du spectacle ». En gros, mais c’est fort inspiré de la psychologie marxiste de Marcuse je trouve, Debord explique comment le système capitaliste va petit à petit s’approprier le désir des gens pour le mettre en scène dans la « société du spectacle » via les publicités, les films, les séries etc. et inciter les gens à consommer leur vie sans la vivre. Ce système de consommation du désir, c’est la « société spectaculaire marchande ». En guise d’exemple prenons le cas suivant : « sois un aventurier et fume des Marlboro comme le cow-boy qui dort à côté de son cheval devant son feu qu’il a allumé lui-même ».

https://www.youtube.com/watch?v=D2if9_Y6sHU

Quand tes potes te voient fumer une Marlboro, ils te diront « Ouah le mec ! C’est un aventurier ! Il fume des Marlboro ! » L’acteur cow-boy de la vraie vie est mort d’un cancer du poumon, c’est un fait. Mais pas l’image de l’aventurier ! C’est cette image qui perdure (pas le fait que l’acteur est mort d’un cancer) et qui se colle aux consommateurs de cigarettes Marlboro. La société spectaculaire marchande castre de cette manière le désir de vivre et on ne vit plus pour de vrai. Ce monde virtuel, explique Debord, se nourrira des désirs des gens, et deviendra incontrôlable.

Crédit : François Goglin ; CC-BY-SA-4.0

Quand je lisais ça, fin des années ’90, on critiquait beaucoup le rôle de la télé et des pubs en rapport avec leur rôle dans la société du spectacle. Début des années 2000, on commence avec les reality show du genre le « Loft » et le spectacle est omniprésent dans les foyers. L’Internet par contre, la toile, mettait les gens en contact, on commençait à y trouver plein de ressources. L’Internet était libertaire à l’époque, chaleureux ou en tous les cas, l’usage que l’on en faisait était libertaire, c’était un refuge. Mais depuis Facebook, ça a changé : c’est une histoire de mise en scène constante, on gomme les défauts systématiquement et la vie n’est que photos, belles. Belles pour les autres, même pas pour soi, de la pornographie, en fait. On réalise un travail de marketing constant sur son image. Maintenant, comme tout va très vite (putain d’exponentielles) Facebook est déjà vieux jeu. On s’envoie des Snapchats pour dire qu’on est en retard, pour dire qu’on est heureux (mais est-ce qu’on l’est vraiment ?) ou qu’on est un fou. Ou une folle. Donc voilà, pourquoi ne pas vloguer sur ma vie de prof de sciences ? Et bien, car il n’y a pas de mise en scène à faire sur la vie de prof de sciences. La gratification du job vient du réel, de ce qu’on fait, et de ce qu’on deviendra. Mon job, je l’aime, point.

Donc voilà, comme dirait l’autre. Si je trouve mon blog old school, que je privilégie le texte, que je ne veux pas faire de vlog, que YOAST SEO me signale déjà que mon texte est illisible, et que je ne veux pas non plus m’imposer un rythme régulier de publication pour faire plaisir aux algorithmes alors, je fais quoi ? Eh bien je continue à écrire ce qui me passe par la tête, ce que j’ai envie d’écrire quand je veux (et surtout quand j’ai le temps) et je dis crotte aux algorithmes.

Crotte.

Je vais donc vous donner maintenant :

Quelques nouvelles

(ça pourrait être sympa si j’écrivais ce paragraphe comme si j’écrivais un mail à des potes, hein ? Allez, Smiley : ;-))
Salut !

Ça fait une paie, non ?

Bon, alors, comment allez-vous ? Racontez !

Nous, ça va. On est toujours au Rwanda, les enfants grandissent comme de la mauvaise herbe.

Depuis les dernière nouvelles en mars, eh bien, on a changé de maison (une fois de plus) et déménagé l’école. C’est pas qu’on a changé d’école, mais on a changé les bâtiments de l’école. C’est la première fois que je participe au déménagement d’une école. J’ai fait des caisses avec des produits super dangereux pour déménager les locaux de sciences avec du papier brouillon pour tout conditionnement. J’ai eu de sacrées sueurs froides mais j’avoue que je suis assez fier de moi : avec les moyens que j’avais, rien de grave n’est arrivé. A part mon dos qui reste douloureux.

On a donc aussi changé de quartier. Enfin, de colline. Kiyovu, c’est fini, on est à Gisozi, ça veut dire « la grosse colline ». Et c’est vrai qu’elle est grosse. Je ne peux malheureusement, sur cette nouvelle colline, plus observer mes chauves-souris, les roussettes paillées africaines. L’espèce est presque menacée et les bestioles sont fort présentes à Kiyovu. Enfin, elles étaient fort présentes à Kigali car depuis que je suis la colonie de roussettes, ça fait presque deux ans maintenant, j’ai vu pratiquement tous les sites de repos diurne être détruits. Je suis en train d’assister à la disparition d’une espèce animale d’une région. Ça c’est du spectacle. Les chercheurs du coin me disent que « c’est triste » mais que c’est comme ça. Ah oui, mes observations de chauve-souris ont été décrétées illégales par les fameux chercheurs du coin.

Avec des amis, on a monté une pièce de théâtre, ça nous a pris pas mal de temps à préparer mais finalement, on l’a montée ! Et on a joué dans une piscine vide, enfin, vide d’eau je veux dire, mais il y a quand même plus de 200 personnes qui sont venues nous voir.

On a aussi adopté un chat mais depuis qu’il a bouffé tous les oiseaux du jardin, on l’a donné à une collègue qui l’a enfermé dans son appartement. Depuis, les oiseaux sont revenus.

Je ne sais pas quoi raconter d’autre. Ah oui, hier la fosse septique de l’école a débordé.

Bisous et à bientôt.

 

En guise de conclusion

Donc voilà.

Je pense surtout avoir perdu la motivation de rédiger un texte qui séduira l’algorithme SEO et tout ça. Pourquoi ? Je veux écrire, juste écrire. Je me suis mis à écrire, beaucoup, mais pas pour le blog, le temps que je passais sur mon blog, je préfère l’utiliser pour des projets perso, en fait. Je partagerai peut-être quelques extraits sur ce blog, si vous voulez.

En attendant, je me suis remis à regarder les nuages dans le ciel, couché dans l’herbe. Je me suis remis à sentir le temps passer à nouveau mais surtout, vivre le présent. Le futur arrive bien trop rapidement. Je suis peut-être vieille école, mon post n’a peut-être ni queue ni tête mais voilà, j’ai pris plaisir à l’écrire, c’est bon de sentir ça.

Si vous avez été assez courageux pour arriver à cette phrase, je n’aurais qu’une seule chose à dire : vivez, maintenant. Parce que le temps passe vite, les exponentielles c’est de la folie (putain d’exponentielles) éteignez vos télés, éteignez vos ordis, mettez vos téléphones éteints dans un tiroir, fermez ce tiroir à clé.

Et vivez.

Mais avant, profitez d’une photo de moi à poil :

Source : les méandres turbulents du net

 

REM : ça me rassure toujours de savoir que des humains me lisent alors vous pouvez laisser un commentaire 😉


Si seulement j’avais connu Stephen Hawking plus tôt…

Si mes profs de secondaire m’avaient mis entre les mains Une brève histoire du temps de Hawking, ma vie aurait peut-être été différente

La physique en secondaire m’a fait souffrir au point de me faire dire, trop jeune, que ce domaine des sciences n’était pas fait pour moi. Avec le recul, je me demande si la physique n’était vraiment pas faite pour moi ou alors si ce sont mes profs qui ont réussi à m’en détourner. Oui, c’est peut-être facile de jeter (une fois de plus) la pierre aux profs, (je suis prof de sciences hein !), mais vous allez peut-être me comprendre en lisant mes expériences en pédagogie de la physique en secondaire, à Schaerbeek, au tout début des années ’90.

Le prof de physique qui s’en fout

Alors voilà. En première ou deuxième secondaire, je ne sais plus trop (mais c’était avant le suicide de Kurt Cobain et après la chute du mur de Berlin) j’ai eu la joie d’avoir un tout jeune prof qui passait ses cours à nous raconter des blagues, à nous expliquer pourquoi une trompette émettait des sons différents du saxophone. Il nous demandait aussi si on savait pourquoi, en tapant sur un tapis sale, la poussière se contentait de tomber ou lieu d’être propulsée horizontalement. Tout cela était réalisé à l’aide de dessins à la craie sur un tableau noir, sans jamais aucunes couleurs. Le prof s’était un jour moqué de moi devant la classe quand j’avais réalisé, pour une interro, le schéma d’une trompette avec des cordes à l’intérieur… Je pensais que c’était l’origine des sons de la trompette. Mais non. Je n’avais rien compris à son cours, alors, j’inventais des instruments de musiques incohérents. Mais les sons qui en sortaient étaient tellement beaux…

Teacher GIF

La prof de physique alcolo

En troisième secondaire, ma prof de physique était alcoolique. Elle nous a expliqué le fonctionnement du thermomètre. Merci, on ne savait pas ce que c’était. Et des trucs sur la pression aussi, du style « Blaise Pascal » mais on pensait « Blaise qui baise et bande à l’aise ». La prof arrivait en général saoule pour notre seule heure de physique de l’après-midi. Elle devait avoir la quarantaine à l’époque. Toujours en mini-jupe, les cheveux blonds, longs qu’elle avait gras. Elle était une fois tombée en classe, on avait vu sa culotte, horrible spectacle que cette déchéance humaine. Cette prof faisait des crises d’angoisse dans le noir et donc, on n’hésitait pas, en hiver, alors qu’elle menait notre rang en classe, à éteindre les lumières du couloir. Et elle se mettait à gueuler, ça faisait bien rire mes camarades de classe. Pas elle. Elle se remettait de ses émotions avec une lampée de mauvais whisky et nous racontait ensuite une partie de sa misérable vie. Moi, je ne rigolais pas toujours, je pensais à des trucs… Des machins abstraits, je ne sais plus trop quoi.

Drunk GIF

La prof de physique par défaut

En cinquième secondaire, on a eu droit à « Stripe », la chef des Gremlins : c’était une vieille grosse et moche qui se déplaçait à l’aide d’une béquille et qui avait une mèche blanche en plein milieu de sa tignasse noire tirée en queue de cheval. Devant un tel phénomène, on s’était inventé l’histoire que notre vieille prof de physique s’était faite virer de sa centrale nucléaire après s’être irradiée elle-même et la moitié du personnel de la centrale. Une histoire digne de la série animée « Les Simpson ». Ou alors, que quelqu’un lui avait donné à manger après minuit (pour ceux qui connaissent les Gremlins) :

Christmas Movies Gremlins GIF

En fait, la pauvre dame avait probablement été relocalisée dans l’enseignement après avoir été victime d’une restructuration au sein de sa boîte. Elle a alors tiré ses dernières années à donner des cours de physique avant la quille. C’est nous qui avons payé le prix de sa frustration : Mouvement Rectiligne Uniforme, Accéléré, ou pas. Et des virages aussi, avec des histoires de tangentes.  Elle gribouillait des équations qu’elle estimait « simples » au tableau. Celui qui osait dire qu’il ne comprenait pas ses « explications » se faisait traiter d’imbécile. « Tu es sensé savoir ça » nous enchaînait-elle. Elle était donc vieille prof. Dans ma tête, j’imaginais que je lançais des craies s’écrasaient sur son tableau, ça faisait des constellations sur un fond noir infini.

Une brève histoire du temps :

« Du big-bang aux trous noirs », l’œuvre majeure de vulgarisation de Hawking a été traduite en 35 langues ! C’est aussi 10 millions d’exemplaires qui se sont vendus depuis sa parution ! Et même pas un exemplaire de l’œuvre de Stephen Hawking n’a jamais atterri dans mes mains d’adolescent curieux : quel mystère de l’Univers ! Que nous serait-il arrivé si l’un de nos profs, au lieu de s’en foutre, au lieu de boire sa bibine ou au lieu de ruminer sa putain de vie, nous avait mis entre les mains « Une brève histoire du temps » ? On est d’accord, je le répète, c’est facile de jeter la pierre aux profs. Mais quand-même : qui à part eux auraient pu m’initier à temps à Hawking ? Oui, c’est vrai, j’aurais pu être curieux, chercher et tout ça, mais voilà, avec ces profs, la physique, c’était chiant. Pour mes potes, la physique c’était chiant. Pour mes parents, le mot « physique » voulait dire cours de gymnastique.

Et donc voilà. J’ai découvert Hawking trop tard. Et il est mort trop tôt, l’histoire de son temps a été (trop) brève.

S. Hawking, « Star Child » Crédit : NASA (Domaine public)

Quand on interrogeait Hawking pour savoir quelles personnes l’avaient inspiré, il parlait de Dikran Tahta, modeste prof de math. Oui rien que ça, un prof, mais qui aimait son métier. Parce qu’au fond, c’est de ça qu’on parle ici : de passion. On l’a ou on ne l’a pas. Si on ne l’a pas, eh bien, il faut changer de vie car si le dégoût est contagieux, la passion se communique.

Qui d’autre peut communiquer une passion mieux qu’un prof ou un vulgarisateur ? Car Hawking était le père des vulgarisateurs modernes : pas de prise de tête, il expliquait simplement son job, communiquait ses découvertes importantes, sans condescendance. Hawking, en plus d’être un grand cerveau, un chercheur hors-pair était un passeur de sciences. Nous, profs, nous devons être le relais de ces personnages d’exception puisque nous sommes en contact, tous les jours, avec des gamins en quête de sens, avides de savoir ! Nous devons communiquer, transmettre une passion.

En fait la vie, c’est vivre une passion. Sans passion à vivre et à transmettre, il n’y a pas de vie. C’est d’une certaine manière le dernier enseignement de Stephen Hawking qui, dans un Univers ou il n’y pas la place pour dieu, s’en est retourné à ses poussières d’étoiles.


Paréidolie : une sélection des plus improbables

Pour finir en beauté cette série de posts sur la paréidolie, ce processus cognitif qui nous fait voir, par exemple, des visages sur les objets, voici une sélection d’images les plus improbables glanées sur la toile. Amusez-vous bien !

Précédemment, dans cette série sur la paréidolie, on a vu :

Mais là, passons au plus improbable ! La paréidolie est partout :

paréidolie

 

paréidolie

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Si vous avez vu « c’est arrivé près de chez vous ».. Référence au cocktail « le petit Gregory ». Oui, je sais, c’est de très mauvais goût…

paréidolie

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paréidolie

paréidolie

paréidolie

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Oh ! Lagrenouille !

paréidolie

paréidolie

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Et il y en a des centaines et des centaines d’autres sur le net ! « Pareidolia pinterest » est une super bonne requête google pour continuer à t’amuser.

Allez, fini de rigoler. Je te fais quand même de grosses bises hein !

A bientôt.

(Mais ? Pourquoi est-ce que je me sens obligé de finir cet article comme une lettre à un pote ?)


Une paréidolie peut aussi être auditive

La paréidolie est une phénomène cognitif complexe qui nous fait voir des visages (par exemple) sur plein d’objets. Mais la paréidolie peut aussi être auditive !

fennec
Fennec. Crédits : Michelle Bender CC BY-NC

Une paréidolie peut se réaliser avec tous nos sens. Les plus fréquentes et impressionnantes sont visuelles : on voit des visages partout et si c’est un visage de barbu certains y voient une manifestation de Jésus ou alors de Raspoutine. Ces illusions, car oui, les paréidolies sont des illusions, peuvent même mener à des scènes d’hystérie collective et alimenter certaines théories complotistes ou nous faire croire qu’on a un esprit mal tourné.

Que se passe-t-il quand vous écoutez une chanson dont vous ne comprenez pas les paroles ? Votre cerveau les interprète pour vous et vous fait comprendre certaines choses qui peuvent être différentes en fonction de votre humeur mais surtout de votre langue maternelle.

Par exemple, cette magnifique chanson, « 7 seconds » de Neneh Cherry, avec la participation du sénégalais Youssou N’dour :

A un moment, Youssou N’dour parle super vite ! Sans sous-titrages, j’avoue avoir du mal à comprendre ce qu’il dit… Et je me rends compte, en parlant de ça autour de moi (oui, j’ai des discussions passionnantes avec mes amis) que chacun a sa version des paroles du chanteur…

Eh hop ! Un exercice d’interprétation

Vous allez regarder la vidéo ci-dessous mais trois fois :

  1. La première fois sans les sous-titres (cacher le bas de la vidéo), notez ce que vous avez compris,
  2. La deuxième fois avec les sous-titres, et comparez avec ce que vous avez compris,
  3. La troisième fois, à nouveau sans les sous-titres et essaiez de ne pas tenir compte de la lecture précédente des sous-titres…

Alors ? Observations ?

En premier, on essaie de faire coller les paroles au contexte… Mais on a des doutes : j’ai vraiment entendu ce que j’ai entendu ?

En lisant les sous-titres, on se dit « ouais, ce que je pensais n’était pas trop loin, même si c’était pas exactement ça, mais quand-même. »

Enfin, en revoyant la vidéo sans les sous titres, on a du mal à se débarrasser la tête des sous-titres qu’on a lus précédemment !

Conclusion

Notre cerveau essaie de trouver du sens aux paroles qu’il ne comprend pas (visionnage 1) et tente de se référer à des éléments concrets et rationnels : les images de la vidéo, connaissances de la langue chantée, souvenirs invoqués par la chanson.

Dans la deuxième étape, notre cerveau se dit « ah mais oui ! ça pourrait être ça les paroles ! » Le cortex envoie cette info au système limbique : rire. Mais le cortex se rebiffe : « mais non ! ça ne peux pas être ça ! Florent Pagny ne peut quand même pas chanter ‘Madame aux tétons bien bien sales’ ! »

Et pourtant (étape 3) ! En revisionnant la vidéo à nouveau sans les sous-titres, tu ne peux t’empêcher de repenser aux paroles rigolotes…. La paréidolie est fixée dans ta mémoire d’autant plus facilement que les souvenir des paroles ont été associé à une émotion agréable : le rire. Ces souvenirs peuvent rester fixés très longtemps dans votre cerveau !

Délires satanistes

La sortie de « Stairway to heaven » de Led Zeppelin en 1971 connaît un succès fulgurant, superbe chanson, il est vrai. Mais en 1982, le titre de Led Zeppelin est pris dans le collimateur de Paul Crouch, animateur et propriétaire de la « Trinity Broadcast Network » qui prétend que, passée à l’envers, la chanson révèle un message d’adoration à Satan.

Cette interprétation subjective de paroles à l’envers est bien une belle paréidolie… Mais pas pour le cortex de tout le monde ! En effet, il a faut vraiment chercher pour y percevoir un message sataniste ou pour en tous les cas, trouver un quelconque message en fait… C’est plutôt l’objectivité de Paul Crouch qui est à remettre en cause. Il présente l’émission avec Jan Crouch, sa femme… (Mais, caprice paréidolique peut-être, je crois plutôt y voir Chewbacca… Sympa la teinture Chewie !)

Bon, quand on possède une chaîne telle que « Trinity Broadcast Network », on comprend le manque de sens commun, jugez plutôt avec ce document d’époque la fameuse émission où la chanson de Led Zeppelin est analysée par un expert des Crouch :

C’est fou… Et dire que, suite à cette émission grotesque, « Stairway to heaven » a été catégorisée comme chanson sataniste pendant des années ! Un beau délire collectif.

« Assassin de la police »

Tu as kiffé cette chanson et tu l’as découverte dans le film la Haine (mais tu ne connaissais pas KRS-ONE)… Eh bien tu vas être déçu :

Si tu aimes « Still loving you » de Scorpions, ne lis pas le paragraphe suivant

Ça t’évitera de fixer dans ta mémoire « Ce soir j’ai les pieds qui puent » à 2 minutes 22 de la chanson :

« J’ai les pieds qui puent » but… « I still love you » 😉

Voilà ! Je voudrais remercier Julien et Julien et aussi Thomas pour leurs liens vers ces paréidolies auditives en commentaires du premier numéro sur lu sujet et aussi Robert pour m’avoir envoyé la première vidéo ! Merci, merci, sans vous cet article n’aurait pas été possible.

Si toi aussi ton cerveau te joue des tours en écoutant des chansons, envoie tes interprétations dans les commentaires !

La semaine prochaine, ce sera le dernier post de cette série sur la paréidolie ! Avec une sélection des images les plus improbables, à bientôt !

 


Paréidolie collective et théorie du complot

Une paréidolie peut être partagée : plusieurs personnes peuvent avoir la même illusion ! Ce qui laisse place à des délires collectifs et à des théories complotistes.

Suite de la série sur les paréidolies ! Ce phénomène cognitif complexe qui fait que notre cerveau interprète des images abstraites et leur donne du sens. Précédemment, on a déjà parlé sur ce blog :

On voit des visages partout

On a l’esprit mal tourné ? Nooooooon !

On voit Jésus (ou Raspoutine) partout

Des paréidolies collectives

Regardez cette photo :

Jesus new york

Elle a été prise en 1994 à New York par le photographe Andrew Savulich. Cette prise de vue montre un groupe de personnes qui sont convaincues de voir Jésus dans la salle de bain au cinquième étage d’un immeuble… Une personne, particulièrement sensible aux stimulus suggestifs sacrés (j’entends qu’elle est catholique, et reconnaît Jésus dans une image abstraite) pointe du doigt ce qu’elle pense être une apparition du Christ. Les badauds sont pris dans un effet de masse, hystériques et, l’émotion aidant, « voient » aussi le Christ dans l’immeuble. On commence à se signer, à faire des prières et à remercier Dieu pour cette apparition qui est interprétée, subjectivement, comme un signe paranormal réservé à quelques privilégiés.

Mais regardez la tête du gamin en bas à droite : on peut se douter qu’il ne « voit » pas tout de suite cette apparition, son cerveau n’étant pas encore conditionné à détecter la présence de Dieu dans les buées de fumées d’une personne qui prend joyeusement sa douche au cinquième étage de cet immeuble (et qui ne se doute probablement pas qu’une foule de gens voit une apparition divine dans les volutes de vapeurs de sa salle de bain…). Mais comme la maman du garçon, elle, y croit, l’interprétation dans la tête du garçon passe de « c’est de la buée sur une vitre de salle de bain » à « c’est Jésus qui apparaît puisque c’est ma maman qui l’affirme, et elle réagit vraiment comme si quelque chose de grave est en train de se passer ! » Et là, vous voyez son regard apeuré, il ne pensait pas une telle apparition possible, mais sa maman inscrit dans le cortex (raisonnement) de son cerveau que cette image abstraite de buée sur une vitre est en fait un signe divin. Aussi, cela suscite une folle excitation et de la crainte, émotions associées dans le système limbique (interprétation des émotions) en même temps que cette image.

Un enfant est par nature scientifique : il pose un tas de questions et demande des démonstrations rationnelles… Il n’est pas pré-conditionné à croire. (Et St Nicolas alors, et le père Noël ? Eh bien oui, mais il y a un âge, aux alentours de 7-8 ans, où l’enfant déconstruit par lui-même cette croyance ! Lisez plutôt ceci : Le mythe du père Noël, un rituel qui nuit aux enfants ? Faux, c’est une sorte de rite de passage vers la rationalité)

Cette photo montre donc un enfant qui est reconditionné à croire par superstition catholique…

Deviendra-t-il complotiste ?

Quand on parle d’interprétation d’images, le croquis suivant illustre parfaitement bien comment une information peut-être traitée différemment selon les croyances ou raisonnement :

conspiration
Source : https://sweetrandomscience.blogspot.com/

Vous connaissez la théorie du complot, n’est-ce pas ? Eh bien, il semble que des théories complotistes s’élaborent sur base de paréidolies observées sur la planète mars : la Nasa détruirait des preuves de l’existence d’une grande civilisation martienne ! Ou encore, la Nasa tenterait de nous cacher qu’il y a de la vie sur Mars ! Mais aussi, la Nasa tenterait de nous cacher qu’il y a eu une catastrophe nucléaire sur Mars ! (Cliquez sur ce lien, c’est rigolo, plein de paréidolies visuelles martiennes et d’interprétations subjectives)

pareidolie mars
Un alien recroquevillé. Rover Spirit, 2005

 

pareidolie mars
Un cercueil, Curiosity 2014

 

pareidolie mars
Un crabe sur mars. Curiosity

 

pareidolie mars
Le lézard sur Mars. Curiosity.

 

pareidolie mars
La femme qui contemple le paysage martien… NASA

 

pareidolie mars
Une forme humanoïde de… 6 cm de haut. Rover Spirit, 2008

 

pareidolie mars
Viking I, 1970

 

pareidolie mars
Un visage humain qui s’est révélé être un jeu d’ombres. Viking I, 1976

Sciences et Avenir a fait une sélection des meilleures paréidolies martiennes.

En tous les cas, depuis que la Nasa met en ligne ses prises de vue de mars, les chasseurs d’OVNI sont tout excités ! Allez, va voir les images de Curiosity de la Nasa sur la planète Mars, toi aussi tu peux découvrir quelque chose !

Le 11 septembre et le signe de Satan

Les médias ont un effet amplificateur sur la diffusion et l’interprétation de certaines images ! Allez, rappelez-vous ces images de fumées sortant des tours jumelles lors des attentats du 11 septembre 2001 qui révèlent à l’observateur attentif le visage de Satan ! Quand même, c’est une chaîne telle que CNN qui a diffusé des images pareilles ! Est-ce que c’est pertinent ? En tous les cas, ce sont des images qui marchent point de vue audience, d’autant plus qu’elles s’intègrent dans un contexte fortement émotionnel et donc, enclin à l’irrationalité.

Bon, allez, je ne peux pas finir cet article sans vous recommander d’être critiques et rationnels ! La vérité n’est pas ailleurs, elle est dans votre cortex.

Et la semaine prochaine ? Rendez-vous sur ce blog ! On entendra des paréidolies auditives !