20 mars 2017

Des crottes de gorille sur le chemin

Rencontre avec des crottes de gorille des montagnes (Gorilla beringei ssp. beringei) lors d’une ardue ascension du volcan Bisoké au Rwanda.

Voir des gorilles, le rêve. J’avoue que même en voir leurs traces me rendrait heureux ! Alors, j’avais un peu de peine à croire que, dans la boue qui rendait l’ascension de ce Bisoké, volcan du parc si bien nommé « des volcans » au Rwanda, j’apercevais un semblant de traces de doigts de primates. Un Gorille des montagnes serait-il passé par ici ? Je me dis que je suis en train de projeter mes désirs sur ce volcan qui ressemble de plus en plus à un tas de boue au fur et à mesure de l’ascension.

Aux alentours des 3500 m d’altitude, je tombe sur un buisson de ce qui ressemble fort à des mûres. La tentation est assez grande d’en cueillir pour y goûter… Le guide, blasé de ces touristes qui crachent leurs poumons de citadins me confirme que ces fruits, qu’il nomme « black berries » sont comestibles. Les fruits sont froids, légèrement acides, rafraîchissant ! Juste ce qu’il fallait à ce moment de l’ascension, un moment gustatif inoubliable.

Rubus sp. Eric Leeuwerck CC NY-CB

Mais un détail me surprend à côté de ce buisson de ronces, l’herbe couchée, des fruits cueillis en nombre avant moi… Je ne pense pas que beaucoup de personnes se seraient amusées à manger ces mûres. Alors, qui a fait ça ?

Herbes écrasée par des gorilles à côté d’un buisson de ronces ; Eric Leeuwerck CC NY-BC

La réponse ne tardera pas à venir quelques dizaines de mètres plus moins sous forme de crottes, et des grosses, 20 cm de diamètre ! Remplies de fibres végétales, en les ouvrant (avec un bâton, je vous rassure) j’ai pu y distinguer des restes de mûres ! Le guide me confirme que ce sont de excréments de gorilles. La classe !

Crottes de Gorilla beringei ssp. beringei, mont Bisoké ; Eric Leeuwerck CC NY-BC

 

Excréments de gorilles avec présence de Mûres ; Eric Leeuwerck CC NY-BC

Donc oui, des gorilles sont bien passés par là ! Gorilla beringei ssp. beringei. Les mâles au dos argenté ont rendu célèbre cette espèce, qui a bien connu Diane Fossey et se retrouve actuellement classée en « danger critique d’extinction » selon la liste rouge de l’IUCN…  Tout report de leur présence, même sous forme de crottes est utile et important et en plus, c’est une évidence du rôle des gorilles dans la dispersion des mûriers dans la région. J’assume ainsi mon devoir de naturaliste citoyen.

Le chemin vers le sommet du volcan continue, le rythme est plus ménagé. Le sommet du Bisoké culmine à un peu moins de 3700m avec à son sommet un lac, magnifique. De l’autre côté du cratère, le Congo. Il serait facile de passer la frontière, d’un côté comme de l’autre si ce n’est les militaires Rwandais, armés de leurs mitraillettes qui nous accompagnent… Officiellement, ils sont là pour empêcher les attaques de buffles de montagnes (j’en ai vu des crottes aussi) mais les dangers doivent être plus diversifiés et humains que ces pauvres buffles…

En faisant attention, j’ai pu remarquer la présence de traces de gorilles des montagnes aussi bien presque au sommet du volcan jusqu’à sa base. Et la base du volcan, ce n’est plus le parc… La limite entre le parc et les terres agricole est, depuis les hauteurs, comme tirée au cordeau… Une limite bien ténue pour une espèce menacée d’extinction.

Une limite ténue entre le parc des volcans au Rwanda et les terres agricoles ; Eric Leeuwerck CC NY-CB

Et les gorilles ne sont pas à l’abri, hors du parc, du mécontentement des agriculteurs qui pourraient s’en prendre à eux. Cependant, cela arrive rarement au Rwanda ; du moins, il me semble. En bas du volcan, les Gorilles sont attirés par les jeunes pousses d’eucalyptus, « chocolate for Gorilla » me dit le guide. Quand je lui demande si il y a des conflits entre les agriculteurs et les gorilles, sa réponse reste évasive.

Après ce genre de randonnées, je suis toujours respectueux de cette nature conservée, de ces guides investis dans leur cause et très patients… Impressionné par ces militaires à qui j’ai du mal à faire sortir un sourire (sauf quand je me gamelle dans la boue et que je sors un juron). Et puis, il y a toujours cette sensation que j’ai du mal à exprimer, une sensation amère d’avoir eu le privilège de visiter un endroit protégé aux allures tellement exceptionnelles qu’il en prend des dimensions éphémères.

Bisoké depuis les champs de Pyrèthre ; Eric Leeuwerck CC NY-BC

 

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