Des traces sur la plage révèlent qu’une chose terrible est en train de se passer

Article : Des traces sur la plage révèlent qu’une chose terrible est en train de se passer
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5 juin 2019

Des traces sur la plage révèlent qu’une chose terrible est en train de se passer

[Cliché en Nouvelle Pangée] Sur la plage, des traces, des grandes des petites, et des traces de pneus. L’Humain est là, en nouvelle Pangée.

traces plage
Pieds et pneus, traces d’Humains. CC E. Leeuwerck

En Nouvelle Pangée, sur une plage au Kenya à quelques heures en voiture au nord de Mombassa, un matin de janvier 2019, des traces : pneus de motocyclette et pieds humanoïdes.

Et même jusqu’à l’horizon des traces de pneus. Quelque chose de terrible est en train de se passer…

Traces sur la plage
CC. E. Leeuwerck

Il y a de cela plusieurs millions d’années, 3,5 millions environs pour être plus précis, les traces de trois supposés Australopithèques ont été laissées à un endroit que l’on appelle aujourd’hui Laetoli, dans le nord de la Tanzanie. Ce sont en tous les cas des traces bipèdes et ce qu’elles ont de remarquable, c’est que leur datation les fait remonter aux prémices de la bipédie chez nos ancêtres. Ils étaient trois, deux grands et un petit, probablement deux adultes et un enfant, ils marchaient certainement en groupe et le deuxième adulte essayait visiblement de marcher dans les traces du premier. Était-ce une famille ? Avaient-ils peurs ? L’enfant tenait-il la main d’un des adultes ? Est-ce que ça rassurait le deuxième adulte de marcher dans les traces de son compagnon ? Ou était-ce sa compagne ?

Ces anciennes marques de pied ont été laissées dans de la cendre volcanique humide. Les dangers étaient multiples pour cette petite troupe, des empreintes d’autres animaux ont été retrouvées tels que hyènes, lions, rhinos, dinofelis (un genre de tigre aux dents de sabre). En Nouvelle Pangée, les touristes viennent voir ces traces au milieu d’une plaine herbeuse où l’on a empoisonné les arbres dont les racines menaçaient de détruire les empreintes fossilisées, minéralisées. Mais à l’époque où les traces ont été laissées par trois individus supposés Australopithèques, on était loin de toute Pangée. Après leur passage, les marques ont été recouvertes à nouveau de cendres volcaniques, une couche de 30 centimètres qui a permis leur conservation, leur minéralisation et leur voyage dans le temps jusqu’à nos jours. Ces traces laissées par les contemporains de Lucy entre deux couches de cendres nous laissent supposer qu’ils fuyaient les fureurs de la nature. Sadiman, le volcan actuellement éteint au cœur du massif du Ngorongoro toise aujourd’hui les humains à 20 kilomètres de Laetoli ; c’est lui qui, il y a 3,5 millions d’années a craché sa rage géologique à la face des novateurs de la bipédie.

traces laetoli
Traces d’Anstrolpithèque à Laetoli, Tanzanie. CC Tim Evanson CC BY-SA (Flickr)

Et les traces, nos traces dans le sable, seront emportées à la prochaine marée dans les limbes de l’histoire de la vie sur terre. Les impressions de pneus ont été laissées par une mobylette, passée en trombe en transportant une jeune dame assise en amazone, au pagne chatoyant, hilare, agrippée à son compagnon au guidon, l’air heureux aussi ; ils étaient beaux de bonheur.

Ces empreintes éphémères sont témoins de deux choses terribles : que le bonheur est tout aussi éphémère que les traces sur le sable et de notre fuite face au danger, notre fuite en avant à l’apogée de l’anthropocène. Anthropocène ? L’Ère de l’Humain, un terme proposé pour caractériser l’époque de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre.

Nouvelle Pangée. Il y a 250 millions d’années, les surfaces immergées de la planète étaient réunies en un supercontinent, la Pangée. La tectonique des plaques a fracturé et séparé la Pangée en continents. Les segments à la dérive ont lentement développé des écosystèmes uniques avec leur propre biodiversité. Et puis, les humains ont commencé à se déplacer sur la planète. Les continents qui avaient été écologiquement isolés pendant des millions d’années sont reconnectés par les mouvements physiques des humains et ce qu’ils transportent : tout et rien. Le monde n’allait plus jamais être le même, connecté et affreusement uniforme. Bienvenus en Nouvelle Pangée.

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Commentaires

Tanguy
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Top!
Cela dit, je préfère dire capitalocène qu'anthropocène pour la raison que tu évoques ici : avoir les pieds plats me rapproche certes des australopithèques dont il est question ici mais ils ne sont pas pour grand-chose dans l'état actuel de notre environnement. Les problèmes auxquels nous faisons face, c'est la faute à un modèle de société donc, pas à une variété de primate...

Lagrenouille
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Salut !

Merci pour le commentaire.

Bon, je ne pensais pas mettre le genre Australopithecus dans le même sac de la responsabilité de l'anthropocène que le genre Homo (sapiens plus spécifiquement)...

Alors oui, les marqueurs du début de l'anthropocène correspondent aux prémices de la révolution industrielle qui commence symboliquement au premier brevet déposé par James Watt pour sa machine à vapeur (1769 je pense), machine nécessaire au développement du monstre capitaliste... - je réfléchis en même temps que j'écris - alors qu'Homo sapiens se pavanait déjà depuis plusieurs centaines de milliers d'années sur la surface de la terre ; l'Holocène lui ouvre les pistes des continents de la surface de la terre et participe vraisemblablement à la fin de la mégafaune mammifère déjà moribonde. Le passage à l'agriculture modifie les écosystèmes et, à condition que ses récoltes puissent se conserver, H. sapiens accumule ses denrée et peut même commencer à mener des campagnes militaires. La révolution industrielle intensifie la production et l'accumulation de capital... et depuis ce moment, la population de cette espèce d'Hominidé augmente sensiblement jusqu'à l'amélioration des soins médicaux et l'intensification agricole et explose véritablement après la deuxième guerre mondiale...

C'est super tentant de parler de "Capitalocène" et je serais aussi tenté de remplacer "anthropocène" par "capitalocène" mais je me demande aussi, à la lumière des questions posées par le Paradoxe de Fermi si, finalement, l'expansion humaine et son impact sur son environnement, avec ou sans capitalisme, ne serait pas inhérent au développent de toute civilisation complexe. De là, découle une théorie, le "filtre écologique" qui suppose que si on n'a jamais eu de contact avec une civilisation extra-terrestre, c'est que toute civilisation développée n'a jamais réussi à aller au-delà de l'effondrement des écosystèmes qui la soutenait... Je sais que cette théorie est déterministe et pourrait faire passer aussi la pilule du capitalisme comme inhérent au développement de toute civilisation développée...
Mais voilà, j'arrive toujours pas à trancher : capitalisme uniquement ? Humain de manière générale ? Défaitisme ? Fin du capitalisme ? Je ne sais pas... Je réfléchis et lis encore... Si tu peux m'aider...

Sinon, je suis très fier de mon petit potager.