Lagrenouille

Le point sur la théorie de nos origines

Les dernières découvertes sur nos origines t’embrouillent un peu plus l’esprit ? Pas de soucis ! Rock’n’Science met les choses au clair avec quelques notions, lectures recommandées et plein de ressources.

Quelle actualité, mais quelle actu sur nos origines ! Au Maroc, les plus vieux H. sapiens connus à ce jour, 5 crânes et squelettes partiels découverts entre les années ’60 et 2000 révèlent leur âge ! Cette dernière découverte t’embrouille encore au sujet de nos origines et tu ne comprends pas l’ampleur de ces découvertes ? Je te propose quelques lectures théoriques (mais pas rébarbatives) pour mieux comprendre ce que l’on sait de nos origines.

La découverte elle-même

Jebel Irhoud. C’est là au Maroc que sommeillaient depuis 315 000 ans les restes des plus vieux représentants connus de notre espèce, Homo sapiens. La découverte réside plus dans la datation exacte que dans la découverte des crânes eux-même. Cette datation nous permet d’affirmer que notre espèce a pris un coup de vieux de 100 000 ans ! En effet, les squelettes les plus anciens connus avant cette découverte appartenant à notre espèces qui ont été trouvés en Afrique de l’Est en Afrique du Sud sont datés de 200 000 ans.

Alors, qui mieux que Yves Coppens, le découvreur de Lucy, notre cousine Australopithèque, pourrait exprimer l’ampleur et l’importance de cette découverte :

300 000 ans, « une vrai bonne date », un étalon, un point de départ pour aller aussi bien vers le haut que vers le bas de notre évolution, c’est une découverte qui va permettre de réécrire notre histoire. Attention donc les profs de Bio ! Vos manuels sont déjà vieux !

Et on parle encore beaucoup de cette découverte du Maroc dans la presse. L’Agence Science Presse a réalisé un article reprenant quelques lectures autour de la découverte des crânes et de la datation exacte de nos patriarches au Maroc, à lire, donc.

Et donc, qui est Homo sapiens ?

Ces crânes découverts au Maroc sont bien ceux d’Homo sapiens mais archaïque. Les Humains ont depuis encore évolué mais ce sont des Homo sapiens quand-même. Pour reprendre les propos de Coppens, « Aujourd’hui, tous les hommes sont sapiens, donc le racisme ne peut pas exister« . Qui est Homo sapiens alors ? Quelles sont nos caractéristiques communes ?

Même si il est un peu vieillot, le « C‘est pas sorcier » sur le sujet de la diversité humaine, « des hommes de toutes les couleurs » fait une synthèse intéressante avec, une conclusion à retenir : ce qui varie chez les humains, c’est la carrosserie.

<\center>

Le site Hominidés reste une référence francophone concernant la paléoanthropologie avec beaucoup de ressources, aussi bien scientifiques que pédagogiques. Hominidés fait la description scientifique de notre espèce, Homo sapiens, où l’on apprend que notre volume crânien a diminué depuis les sapiens archaïques et que notre genre Homo comptait plusieurs espèces : entre autres H. sapiens et H. neanderthalensis, disparu. Enfin pas tous à fait puisqu’une partie de son matériel génétique est resté chez certains humains ! Dans certaines régions du monde, il y a eu des métissages entre différents hominidés, un métissage « opportuniste » comme j’aime bien le dire puisque les gènes qui nous sont restés d’autres Homo relèvent principalement d’adaptations au climat. H. sapiens étant une espèce essentiellement tropicale, sa migration rapide sur terre ne lui a pas permis de prendre le temps de s’adapter totalement aux conditions climatiques variées sur terre. Certes, H. sapiens, même archaïque est super doué en couture pour affronter les climats froids par exemple, mais la transmission de caractères d’adaptation au climat n’était pas malvenue à l’époque.

Pour en savoir plus sur les migrations de’H. sapiens c’est ici. A savoir que dans ce dernier domaine, les découvertes récentes du plus vieux sapiens ne sont pas encore inclues dans ces migrations… La science et l’analyse des nouvelles données font leur chemin !

Pour en savoir plus sur les métissages d’H. sapiens avec H. neanderthalensis en Europe et l’Hominidé de Denisova en Asie, c’est ici (les amours multiples d’Homo sapiens, hummmm !)

Quelques notions de taxonomie

Hominidés ? Homininés ? Hominini ? Hominina ? Ok, j’explique. Dans la classification phylogénétique du vivant, le groupe des Hominidés (niveau « famille ») comprend les groupes (niveau « sous-famille ») des ponginés (Orang-outangs par exemple) et des Homininés. La sous-famille des homininés comprend les taxons de niveau « tribu » gorillini (gare aux gorilles) et hominini. Hominini, est un taxon qui se divise en plusieurs groupes taxonomiques, niveau de « sous-tribu » dont hominina (C’est nous ! On est dedans ! Nous sommes les seuls survivants du groupe ! #thug )et panina (Bonobo, Chimpanzé), australopithecina, etc.

Le site planet-vie est très bien fait et remet les notions de classification des Hominoïdes bien au clair :

Tableau phylogénétique des Hominoïdes
Tableau phylogénétique des Hominoïdes

En ce qui concerne l’évolution de notre espèce elle-même

Oui, il faut l’admettre on a vite une image en tête quand on pense « Evolution de l’homme »… Et pour cela, une recherche google vite faite va donner :

Evolution de l'Homme
Evolution de l’homme

Euh, non… plutôt ça :

Evolution de l'homme (blanc)
Evolution de l’homme (blanc)

Ah oui, il y a un truc gênant n’est-ce pas ? La pigmentation de la peau… Moi aussi ça me gêne ! Et puis, cette évolution linéaire, en passant par des étapes intermédiaires, des chaînons manquants qui… s’enchaînent vers un homme « blanc », ça sent pas bon cette transmission de stéréotypes.

Preuve en est avec une pas vraiment grande découverte ce mois de mai et une mauvaise communication scientifique qui voulait faire remonter le berceau de l’Humanité en Europe. Une équipe de chercheurs, sur base de restes de mandibules fossilisés, a très probablement mis le doigt sur le plus vieil homini connu au monde :  El Graeco. Toumaï, le plus vieux hominini connu à ce jour avant El Graeco, découvert au Tchad est 200 000ans plus jeune. Cependant, les résultats sont discutés dans le monde scientifique et pas suffisants pour prétendre que le berceau de l’Humanité est l’Europe. Mais les images ci-dessus se vendent bien, il faut le dire, puisqu’elles qu’elle correspondent à un stéréotype de l’Evolution de notre genre.

La chaîne scientifique « la science étonnante » remet les choses au point concernant notre arbre généalogique dans son numéro #3, « comment est apparu Homo sapiens« .

<\center>

 

Alors voilà, conclusions ? La diversification des hominidés, comme toute espèce vivante d’ailleurs, se fait en « bouquet » et notre arbre évolutif est « réticulé », il y a des aller-retours d’espèces et de sous espèces, des séparations, des croisements et tout et tout. Et que, nous sommes issus de processus de sélections naturelles.

« Out of Africa » est une théorie solide

Ces résultats sont solides puisque la datation s’est faite sur plusieurs crânes contemporains bien conservés trouvés dans la même région du Nord de l’Afrique. « Out of Africa » est la théorie scientifique qui dit que notre espèce est issue d’Afrique et cette dernière découverte renforce cette théorie.

Mais c’est quoi une théorie scientifique ? Le lien Wikipedia suivant l’explique bien et si c’est est un peu rebutant, Vikidia (l’encyclopédie des 8-13 ans) rend les choses encore plus accessibles.

Qu’est ce qu’il faut pour une bonne théorie scientifique ? Il faut des hypothèses (propositions d’explication), des résultats et des observations en rapport avec les hypothèses. Dans le cadre d’une théorie on peut réaliser un modèle, une version simplifiée de la théorie qui est capable d’englober l’ensemble des hypothèses et des observations/résultats. Le modèle peut expliquer les phénomènes observés et permet aussi de faire des prédictions, de prévoir des résultats non encore observés.

« Out of Africa » est une théorie fondée sur l’hypothèse que l’Homo sapiens est apparu en Afrique et s’est ensuite dispersé partout dans le monde à partir du vieux continent. Les observations sont les découvertes de fossiles. Les résultats sont la datation des fossiles africains (200 000 ans pour OMO 1 et OMO 2, 315 000 ans pour les crânes marocains) ainsi que des fossiles hors Afrique qui sont tous postérieurs aux patriarches d’Afrique. D’autres résultats sont les variations de diversité de caractères (génotypiques et phénotypiques) des humains qui pointent l’Afrique comme vivier de diversité de notre espèce.

Variation diversité phénotypique et génotypique de l’Humanité
Variation diversité phénotypique et génotypique de l’Humanité

Sur base des ces données, un des modèles qui peut être fait est celui des migrations humaines à partir de l’Afrique :

"A human journey" National Geographic
« A human journey » National Geographic

En ce qui concerne les prédictions, « Out of Africa » prévoit que si des fossiles sont trouvés en dehors d’Afrique ils seront postérieurs aux patriarches d’Afrique et qu’il reste encore de de très vieux fossiles à trouver sur le continent en Afrique. Cependant, la datation des crânes du Maroc replace l’origine de l’humanité non plus en Afrique de l’Est mais plus au Nord de notre bon vieux continent et là, c’est une autre théorie qui prend du plomb dans l’aile, « East side story » dont l’hypothèse place les origines humaines en Afrique de l’Est.

J’espère que vos doutes se sont dissipés ! N’hésitez pas à me laisser un commentaire pour signaler une coquille, une erreur (au cas où, H. sapiens n’est pas parfait et je n’ai pas prétention d’être un expert de la question !), pour me complimenter, me compléter, me troller ou me raconter une blague.


[Courrier des Trolls] L’Afrique berceau de l’Humanité, politiquement correct ?

Publié et partagé à l’Agence Science-Presse, mon billet concernant les origines des homininés a suscité quelques réactions positives mais aussi un commentaire révolté sur la page de l’Agence. Je me permets de répondre à ce commentaire en courrier des lecteurs transformé, pour l’occasion, (et vous allez comprendre pourquoi) en courrier des Trolls.

Mon billet expliquait pourquoi le titre d’un article du Daily Telegraph au sujet des origines de l’Humanité était racoleur avec son «  Europe was the birthplace of mankind, not Africa, scientists find« . Karine Frosini répond à mon billet de manière véhémente prétendant que je défends le point de vue « politiquement correct » de l’origine de l’Humanité en Afrique, qui est le reflet d’une « idéologie » dogmatique, soutenue par une élite scientifique que ne veut pas remettre en question ses idées. Madame Frosini semble se cacher derrière une fausse identité sur FB.  Je répondrai à son commentaire point par point.

Sahelanthropus trollé
Sahelanthropus trollé

Au sujet de l’origine du berceau de l’Humanité, Madame Frosini demande :

« Qu’est-ce- que cela peut faire que ce soit en Grèce ou en Afrique ? Quand je lis votre article c’est surtout votre point de vue idéologique qui me frappe ! (…) »

  • Chère Madame Frosini, merci pour votre remarque en commentaire de mon billet. Auriez-vous des lectures à me recommander concernant la filiation anthropoïde des « Trolls » ?
  • Pourriez-vous me préciser quelle est l’idéologie que je défends dans mon article ? Je voudrais préciser que ma démarche est de l’ordre de la « science citoyenne », je me permets d’exercer une critique objective au travers de mon modeste blog, afin de dénoncer une communication scientifique que j’estime abusivement racoleuse de la part du Daily Telegraph.
  • Quelle importance que le berceau de l’Humanité soit en Grèce ou en Afrique ? C’est d’une grande importance, justement. De la même importance que le Nord de la terre soit au-dessus du Sud sur toutes les mappemondes, que la projection Mercator agrandisse les proportions des pays colonisateurs par rapport aux pays colonisés du Sud.

  • Je suis belge et je vis au Rwanda depuis des années et, comme vous le savez, ce petit pays d’Afrique a connu un génocide, que l’on commémore actuellement, et qui a débuté en avril 1994. Lorsque mes compatriotes colons belges sont arrivés au Rwanda, après la première guerre mondiale, ils ont déterminé qu’une ethnie, selon leurs termes, les Tutsis, étaient supérieurs car ayant des traits caucasiens. Leur origine selon cette analyse ? Le nord de l’Afrique, des descendants du fils de Sem, selon la Bible. Cette proximité originelle avec l’Europe leur conférait, selon les théories ethnico-bibliques, une supériorité dans la classification raciale. Le Tutsi sera classé en tant que « Caucasien négroïde ». Lors du génocide, les corps des Tutsis seront jetés dans la rivière Nyabarongo, affluent du Nil, afin qu’ils « retournent d’où ils sont venus », le Nord. L’ancien Testament est la base théorique de cette pensée et je vous recommande aussi de lire « le sabre, la machette et le goupillon » de Léon Saur au sujet de l’origine des « identités meurtrières » an Rwanda.

 Madame Frosini poursuit par :


« Votre article aussi n’est pas très « honnête » pour reprendre vos mots ! Même si dans ce domaine tout reste toujours à être confirmé (combien de temps a-t-on cru que Lucy était le plus vieil ancêtre commun ?) cette découverte mérite tout de même de l’attention : 2 fossiles, trouvés dans la même région du monde (Grèce, Bulgarie) datant de la même période (7,24 et 7,17 millions d’années) et montrant le même signe d’humanisation (fusion partielle des racines pré-molaires) ça ne se rejette pas aussi facilement du revers de la main sauf bien-sûr arrière pensée idéologique – lutter contre des chimères fascisantes qui se cacheraient « tout partout ».

 

 

  • Oui, bien sûr, ces fossiles sont une sacrée découverte, je ne le conteste pas ! Et je ne serais pas en mesure de le contester d’ailleurs. Mais ces « chimères fascisantes qui se cacheraient tout partout« , bon, c’est aller un peu loin, non ? Je le rappelle, mon billet traitait bien d’une communication scientifique abusive.

 


« Zut ! Si vous me permettez ! »

Je vous permet de dire « zut »

« Mais je crois pas que votre politiquement correct n’a plus sa place ici que n’importe quelle théorie de suprématie raciale … quelle qu’elle soit !
Une dernière chose. Selon l’article de l’Huffington Post que vous mettez en lien pour démontrer l’absence d’objectivité du Prof.David Begun (dont le grand tort est d’avoir trouvé ce qu’il cherchait ! Mais Michel Brunet ne cherchait-il pas à prouver ses théories avant de trouver Toumaï ? »

  • Vous mettez donc mon « politiquement correct » de l’origine de l’Humain en Afrique sur le même pied que des théories de suprématie raciale ? La démagogie ne vous fait pas peur.
  • En ce qui concerne l’affaire Brunet, son objectif de recherche était de tester l’Hypothèse du « East Side story », celle d’une origine des homininés unique en Afrique de l’Est ; en découvrant Toumaï de l’autre côté du continent, Brunet a ouvert le champ de recherche des origines humaines ! Ce qui n’est pas le cas de Begun, qui lui cherche à démonter que son hypothèse est la bonne. Il oriente ses recherches et ses conclusions ; il restreint subjectivement le champ de recherche.

« Ah oui !! Mais le Tchad c’est l’Afrique donc ça va, c’est politiquement correct, drôle de conception de la science! … »

  • Ce sont des supputations subjectives de votre part ; pourquoi l’Afrique est-elle du « politiquement correct » ?

« …ce dernier défend ce qu’on appelle le « In Africa », la théorie selon laquelle le plus ancien ancêtre commun serait né en lisière de l’Afrique avant d’y retourner. Dès lors en quoi vos arguments « génétiques » de la fin de votre article remettent en cause les découvertes d’ « el Graeco ». L’Afrique peut très bien avoir été le vivier de l’humanité sans en être le berceau !  »

  • Les arguments sont génétiques (sans guillemets) et phénotypiques. Ils prouvent effectivement que le vivier de l’humain moderne est l’Afrique subsaharienne mais ne démontrent pas que l’Afrique n’est pas le berceau des hominidés. Et c’est justement sur ces termes que la communication scientifique se joue : le titre du Telegraph vend ces découvertes comme preuve que l’Europe est le berceau de l’Humanité.


« Enfin j’aimerais mettre en garde tous les lecteurs qui me feraient le privilège de lire mes lignes ! Gardez l’esprit ouvert ! Ces dernières années dans le domaine de la paléontologie trop de théories entérinées à tort pendant des décennies par une Doxa scientifique imbougeable se sont avérées démontées par de nouvelles découvertes et des nouvelles techniques. L’origines des anthropoïdes (https://planet-terre.ens-lyon.fr/…/anthropoides-JJ…),
le brassage entre espèces ( https://www.hominides.com/…/neandertal-sapiens-amours…) … toutes ces découvertes récentes ont d’abord étaient remises en cause par les mêmes personnes, pour les mêmes raisons. Pour moi, l’obscurantisme qu’il soit religieux ou politique, de droite ou de gauche aura toujours une même odeur … exécrable ! »
Origine et évolution des Anthropoïdes en Asie — Planet-Terre (…) »

  • Ok, là, on déboule avec des arguments complotistes et conspirationnistes… De quelle « doxa » scientifique parlez vous ? Quelles théories sont imposées ? Quels intérêts ces scientifiques et ces théories servent-ils ? Qui sont les représentants de cette doxa ? Il est admis que la diversification humaine suit un modèle en bouquet et réticulé, aucune « doxa » ne réfute les métissages entre H. neanderthalensis et H. sapiens en Europe, entre H. denisova et H. sapiens en Asie… Pourquoi ? Car les preuves sont solides, les modèles cohérents.

 

 Alors attention hein, je ne compte pas faire un post pour tous les commentaires démago ! Mais pour les origines de l’Humanité, ça en vaut la peine : on ne badine pas avec les origines de l’Humanité !

 


L’Europe, « berceau de l’Humanité ? » L’accroche au prix de l’honnêteté pour le Telegraph

Quand j’ai lu ce titre dans la rubrique science du Telegraph, j’avoue que j’ai sauté sur place de stupeur : « Europe was the birthplace of mankind, not Africa, scientists find« . Vraiment vrai ? Ou l’accroche passe avant l’honnêteté scientifique ?

J’avoue ne pas être un spécialiste de la question, même si je donne cours sur l’évolution à mes rhétos depuis des années, que je lis, que j’essaie de rester à la page, mais quand-même… L’Afrique, selon les scientifiques, ne serait pas le berceau de l’Humanité ? Il me semblait que la théorie « out of Africa » était admise et était bien solide ! Mais Sarah Knapton, éditrice scientifique du Telegraph et auteure de l’article en question n’hésite pas à écrire que « l’histoire de l’évolution de l’homme a été réécrite (…) ». Rien que ça. Ce sont des recherches effectuées sur des mandibules de Graecopithecus sp. (Graecopithecus freybergi pour être plus précis, on peut aussi écrire G. freybergi) trouvées en Grèce et en Bulgarie qui remettraient en cause la théorie de l’origine Africaine des Humains.

Les restes fossiles étudiés appartenaient à des homininés ayant vécu en terres Européennes il y de cela 7,2 millions d’années alors que les restes du plus vieux « hominini » trouvés à ce jour, Sahelanthropus tchadensis sont Africains et datent d’à peine sept millions d’années. Pourquoi se focaliser sur ces restes ? Graecopithecus sp. et Sahelanthropus sp. sont les hominidés qui se trouvent à la croisée des chemins de la différenciation entre le genre Homo (Humains, Néanderthal, etc.) et le genre Pan (Bonobo, Chimpanzé), LE fameux chaînon manquant.

Quelques notions de taxonomie

Hominidés ? Homininés ? Hominini ? Hominina ? Ok, j’explique. Dans la classification phylogénétique du vivant, le groupe des Hominidés (niveau « famille ») comprend les groupes (niveau « sous-famille ») des ponginés (Orang-outangs par exemple) et des Homininés. La sous-famille des homininés comprend les taxons de niveau « tribu » gorillini (gare aux gorilles) et hominini. Hominini, est un taxon qui se divise en plusieurs groupes taxonomiques, niveau de « sous-tribu » dont hominina (C’est nous ! On est dedans ! Nous sommes les seuls survivants du groupe ! #thug )et panina (Bonobo, Chimpanzé), australopithecina, etc.

C’est à ce niveau qu’interviennent nos Graecopithecus et nos Sehelanthropus, ce sont des homininis, avant la séparation distincte entre le groupe des chimpanzés d’une part et celui des Homo, genre dont fait partie l’Humain d’autre part, LE chaînon manquant, donc. (Oui je sais, c’est compliqué à lire… mais ce paragraphe a encore été plus compliqué à rédiger). Une illustration ne sera pas superflue :

Hominidés
Cladogramme Hominidés – https://planet-vie.ens.fr/

Selon l’article de Sarah Knapton du Telegraph, l’étude prétendrait que, puisque l’Européen Graecopithecus vivait avant l’Africain Sahelanthropus (A.K.A. Toumaï), Graecopithecus (A.K.A. « El Graeco ») est le chaînon manquant entre les homininis et les homininas, donc, notre père à tous, infographie à l’appui :

Last common ancestor
« Last common ancestor » des humains et des singes selon le Telegraph

Déjà, la carte est une projection de Mercator, de moins en moins utilisée puisqu’elle a tendance à agrandir exagérément les proportions de l’hémisphère Nord par rapport à la réalité… Aussi, en regardant l’illustration du Telegraph avec plus d’attention, un détail apparaît : « ancêtre des humains et des singes ». Singe… Le terme, qui peut parfois mener à confusion, est un sous-ordre, dans la classification phylogénétique, appelé les simiiformes :

Phylogénie des familles actuelles de singes
Phylogénie des familles actuelles de singes, d’après Perelman et al. (2011)

La lignée des simiens est apparue, suite à une divergence avec les tarsiers il y a 60 millions d’années… Cela nous éloigne pas mal de nos « 8 million years ago ».

Les approximations ne s’arrêtent pas là puisque, tout au long de l’article est utilisé le terme « hominid » (hominidé) pour parler d’El Graeco et de ses descendants, alors qu’il faudrait parler d’Hominini pour « El Graeco » et d’Hominina pour ses descendants « Homo ». C’est vers le début des années 2000 que le terme « Hominidé » devient désuet pour parler des Humains et de ses parents proches Panina. Cependant certains auteurs un peu vieille école parlent encore des hominidé pour qualifier le groupe Hominini.

Sarah Knapton serait-elle Old School ? Peut-être oui, mais elle utilise également le terme « hominini » dans une citation d’un des auteurs de l’une des fameuses études : “Graecopithecus is not an ape. He is a member of the tribe of hominins and the direct ancestor of homo (…) » Il semble donc bien qu’il y ait confusion des termes chez l’auteure de la rubrique science du Telegraph.

El Graeco, LE chaînon manquant en Europe ?

On ferait cette conclusion parce que « El Graeco » a vécu 0,2 millions d’années en Europe avant Toumaï ? Oui, moi aussi je trouve ça un peu rapide comme conclusion. Personnellement, je pense que cette étude qui démontre les liens incontestables entre Toumaï l’africain et El Graeco l’Européen, tous deux représentants d' »homini » tendrait à dire que leur ancêtre commun était un sacré voyageur ! Ce n’est pas parce qu’on a trouvé des fossiles d' »hominini » de 7 ou 7,2 millions d’années qu’il n’existe pas des fossiles plus vieux non-découverts ! Et puis franchement, je trouve ces relents eurocentristes sur les origines humaines vraiment malsaines.

Alors, pour en avoir le cœur net, j’ai consulté les publications originales disponible en ligne sur Plos one « Potential hominin affinites of Graecopithecus from the late Miocene of Europe » et « Messinian age and savannah environment of the possible hominin Graecopithecus from Europe« . Lecture ardue, mais intéressante.

Première constatation, le Telegraph ne référence que vers le premier article, qui, dans ses conclusions est assez modéré :  « (…) it shows features that point to a possible phylogenetic affinity with hominins. G. freybergi (…), provides intriguing evidence of what could be the oldest known hominin. » ; « More fossils are needed but at this point it seems likely that the Eastern Mediterranean needs to be considered as just as likely a place of hominine diversification and hominin origins as tropical Africa. » (Ce qui, en gros veut dire que « G.freybergi partage des caractères mettant en évidence une possible affinité avec les hominis ; plus de fossiles seraient nécessaires pour étayer cette thèse mais la Métiterranée Orientale, au même titre que l’Afrique tropicale, devrait être considérée comme lieu de diversification des homininis et lieu d’origine des homininas.« )

La deuxième publication est quant à elle beaucoup plus partisane de la cause eurocentriste : « The type mandible of G. freybergi (…) represent the first hominids of Messinian age from continental Europe. Our results suggest that major splits in the hominid family occurred outside Africa. » ; « Our conclusions support views that major Miocene hominid radiations occurred outside Africa and endorse the hypothesis that the hominin clade arose in the Eastern Mediterranean. » (Ce qui se traduit par « La mandibule de G. freybergi est la représentante du premier hominidé du Miocène de l’Europe continentale. Nos résultats suggèrent que la scission majeure au sein des hominidés s’est produite hord de l’Afrique ; Nos conclusions appuient la vision que la diversification des hominidés du Miocène a eu lieu hors Afrique et rejoint notre hypothèse que le clade des homininas a émergé en Méditerranée Orientale. »)

Les conclusions des chercheurs sont des interprétations, pas les résultats eux-même ! C’est à la communauté scientifique de juger de la pertinence de ces conclusions… Elle l’a déjà fait d’ailleurs et estime que ces résultats ne sont pas concluants. Il est reconnu aussi que l’un des principaux co-auteurs de l’une de ces recherches, David Begun, paléoanthropologue de l’Université de Toronto, défend depuis longtemps la thèse d’une origine européenne des Humains, tu parles de l’objectivité scientifique…

Problème de communication scientifique

Ce qui me gêne le plus dans cette histoire, ce ne sont pas les conclusions des chercheurs, partisans ou pas. Les débats contradictoires sont très productifs et la communauté scientifique est toujours très critique.

Mais voilà, j’ai vraiment été choqué par le titre racoleur du Telegraph, par l’affirmation de l’auteure qui prétend que l’histoire de l’humanité a été réécrite suite à ces publication, le parti pris dans un débat académique et la confusion dans les termes utilisés. Que nous soyons journalistes, blogueurs, profs, vulgarisateurs, communicateur, médiateur etc. dans le domaine de la science, notre devoir est de communiquer en rendant accessible des productions scientifiques ! Sarah Knapton sait très bien qu’un titre racoleur, même mensonger, attirera plus de lecteurs. Mettez-vous dans la peau du lecteur moyen qui trouve la science rébarbative, votre choix sera facile pour vous décider à lire un article qui titre soit « Les origines de l’Humanité sont en Europe, pas en Afrique selon les scientifiques » soit « Une étude controversée prétendrait que l’origine de l’Homme pourrait être en Europe ». Car oui, la réalité est moins attrayante que le titre de l’article du Telegraph. L’étude est controversée et non, il n’a pas été prouvé que l’Europe est le berceau de l’Humanité.

Il y a une responsabilité à prendre en compte pour une accroche de science, surtout pour un sujet pareil : on ne badine pas avec les origines de l’Humanité ! J’ai consulté les commentaires à l’article, près de 230,ce n’est pas rien ! On y retrouve les habituels créationnistes qui revendiquent que cette complexité du vivant (qu’ils n’arrivent pas à comprendre ;-)) s’explique par la création divine mais il y a aussi des commentaires aux relents nauséabonds du genre « Je suis fier de Mère Europe« , « J‘ai fait un test ADN, et c’est vrai, il n’y a pas de gènes africains chez moi, contrairement à des africains que je connais« , et j’en passe.

Après un titre pareil et une lecture non-critique, combien de personnes sont maintenant convaincues que le berceau de l’Humanité est en Europe ?

Finalement, on en est où concernant les origines de l’Humanité ?

C’est une excellente question et je vous remercie de me l’avoir posée. J’admets ne pas aller aussi loin que ces millions d’années pour parler des origines humaines dans mon cours sur l’évolution avec mes rhétos, j’utilise ceci :

Variation diversité phénotypique et génotypique de l'Humanité
Variation diversité phénotypique et génotypique de l’Humanité

L’expansion de l’humain sur terre a été très rapide il y a 100000 ans. (Les publications originales concernant ces résultats, se trouvent ici, ici et ici et aussi ici.  Les résultats sont solides et confortent la théorie du « Out of Africa » ; je recommande la lecture de ces articles aux éditeurs de science du Telegraph.)

L’illustration ci-dessus montre que, plus on s’éloigne de l’Afrique subsaharienne, moins la diversité humaine (phénotypique et génotypique) est importante. Conclusion ? Les régions subsahariennes ont la plus grande diversité de caractères humains et sont donc l’origine des caractéristiques humaines : l’Afrique subsaharienne est le berceau de l’Humanité !

Et en résumé, pourquoi est-ce que l’Europe ne pourrait pas être le berceau de l’Humanité comme le soutiennent certains scientifiques ? Même si le plus vieil homini connu à ce jour a été trouvé en Europe, cela ne veut pas dire que c’est LE plus ancien hominini qui ait existé ! De plus, il n’y a pas d’évidence de diversification d’hominini vers hominina et panina hors de l’Afrique et cela est de fait, une piste pour continuer à chercher ce fameux chaînon manquant sur le vieux continent. Et enfin, la diversité biologique d’Homo sapiens moderne irradie depuis l’Afrique subsaharienne, pas depuis la Méditerranée Orientale, c’est un peu comme si la biologie nous montrait du doigt l’origine de notre espèce alors qu’une dispute académique voudrait brouiller les pistes.


Attaque de fourmis légionnaires [Vidéo]

C’était le soir, j’allais enfermer les poules dans leur poulailler, lorsqu’un son étrange m’interpelle, une sorte de grésillement qui vient des buissons. Je dirige ma lampe de poche en direction du bruit, ce que je distingue d’entre les ténèbres me glace le sang…

Le sol et les plantes sont recouvertes d’une surface noir brillante et mouvante. À y regarder de plus près, des milliers de fourmis sont à l’œuvre et ce, à moins de trois mètres de ma maison ! Mais pas de risque qu’elles s’invitent chez moi (en tous cas c’est ce que je pensais à ce moment) car ce qui les occupe sont une série de cafards du jardin en train de se faire dépecer vivants ! Bon travail les filles ! Je sors mon téléphone et je commence à filmer, sans avoir pris le temps de troquer mes flip-flap pour des chaussures. Le résultat de cette imprudence sera, bien évidemment, des soldats qui me montent dessus pour tenter de régler mon compte.

Dorylus sp.
Dorylus sp. Fourmi légionnaire soldat en position de défense. Cred. smugsmug.com

Les fourmis légionnaires dans ce coin du Rwanda, appelée localement « siafu » ou « fourmis safari » (safari = voyage, déplacement en swahili) sont du genre Dorylus sp. n’ont pas de nid fixe. En fonction de la disponibilité des ressources, la reine se déplace avec les pouponnières qui se chargent des larves sous haute protection : les soldates, 1,5 plus grandes que les ouvrières moyennes, escortent la Cour Royale les mandibules constamment ouvertes, prêtes à l’attaque. Cette troupe de plusieurs milliers d’individus change régulièrement de bivouac en suivant les traces des éclaireuses qui ont la dangereuse mission de se lancer à la recherche de nouvelles ressources. Dans ce cas, selon ce que j’ai pu observer, ce genre de Dorylus sp. s’attaque spécifiquement au cafards des maisons, Blattodea germanica. Alors, merci pour le service les filles !

Bon allez, je ne vous fait pas attendre plus longtemps, voici la vidéo (âmes sensibles s’abstenir) :

Sinon, c’est bien tant qu’elles restent dans le jardin, mais là, elles ont, depuis quelques jours, établi leur bivouac sous la baignoire de la maison… Elles ont l’air de faire des raids entre 20h30 et 22h00 et ensuite retournent dans leur abri temporaire, je ne sais pas combien de temps cela va durer. J’observe et constate que les blattes de la salle de bain ne se pointent plus : sous la baignoire, là où Dorylus a établi son Q.G. temporaire, se trouvait, il y a peu encore, un repère de cafards…

A suivre !

 


Il est mort le gecko ? [Courrier des lecteurs]

Georges m’envoie une photo sur whatsapp et me demande, intrigué, si ce gecko, figé depuis trois jours sur le mur de sa maison est mort et dans ce cas, pourquoi y reste-t-il collé ?

Gecko mur accroché
Un gecko mort accroché au mur

Bonjour Georges ! Malheureusement oui, en première analyse, ton gecko à l’air bien mort : position aberrante, légèrement décoloré, deux doigts de sa patte postérieure droite sont déjà nécrosés. Un gecko de la même espèce (Hemidactylus mabouia), en bonne santé, ça ressemble à cela :

Hemidactylus mabouia, house gecko
Hemidactylus mabouia, « gecko des maisons » ; Cred. Eric Leeuwerck

Alors, que s’est-il passé ? Sa patte antérieure droite a une rougeur sur l’avant-patte (je ne sais pas si c’est le terme correct, mais ça le fait) et la queue totalement amputée. Il a l’air d’avoir réussi à échapper aux furies d’un chat ou d’un chien. Normalement, les geckos ou certains lézards peuvent perdre une partie de leur queue lorsqu’ils se font chasser. Le reste de queue se tortille et sert d’appât :

Pendant ce temps, le reptile a le temps de vite se mettre à l’abri. La queue repoussera, comme on peut le voir ici :

gecko queue repousse
La queue de ce gecko repousse ! Cred. Eric Leeuwerck

Et ce processus de « arrache-moi pour que le reste du corps s’échappe, je repousserai plus tard » est pas mal expliqué ici :

Ceci étant, la queue a été amputée plus haut que la normale ! Après s’être échappé, le gecko n’a probablement pas pu récupérer de ses blessures et a agonisé sur le mur…

Mais pourquoi alors, si il est mort, reste-t-il accroché au mur ? Cela est dû à une particularité exceptionnelle des pattes des geckos. Leur structure leur donne une exceptionnelle adhérence ! Ce n’est pas un secret, on a tous été surpris par ces bestioles qui surgissent de nulle part et qui sautent pour s’échapper sur les murs ou qui restent aux aguets au plafond. Ces pattes sont munies de lamelles aux milliers de poils en forme de spatules, ce qui permet une adhésivité instantanée (les geckos se déplacent très rapidement) et très puissante : un gecko peut résister à une traction de 2Kg et ce, sur n’importe quelle surface !

Patte de gecko
Patte de gecko ; Cred. Eric Leeuwerck

L’inclinaison des poils à 30° permet d’annuler l’adhérence lorsque la patte de l’animal se soulève et ce, instantanément !

Les propriété de ces pattes son tellement extraordinaires que la science s’y intéresse de près : elles pourraient donner des solutions pour des pansements chirurgicaux bio compatibles et biodégradables ou pourrait être d’une grande utilité pour les missions spatiales, la NASA étudie la question pour ses robots.

Tout ça pour dire : voilà pourquoi, même dans la mort, le pauvre gecko est resté collé sur le mur.

Que ce bijoux de l’évolution repose en paix.

Une question ? N’hésite pas à me la poser ! Par mail (eleeuwerck@yahoo.fr), sur la page FB de rock’n’science et pour les intimes, par WhatsApp, sms, téléphone ou autour d’une bière ! Ou aussi en commentaire à ce billet.


Ces scorpions sont-ils dangereux ? [courrier des lecteurs]

Monsieur Julien m’a envoyé la photo d’un animal réputé dangereux, dont deux spécimens se baladaient tranquilou dans sa maison. Y a-t-il danger en la demeure ?

Et voici la photo de la bête :

Babycurus centrurimorphus
Babycurus centrurimorphus, Julien Hulet CC BY-NC

 

Monsieur Julien s’est donné la peine (et le risque) d’en attraper un pour m’en envoyer une photo. « Est-ce qu’ils sont dangereux ? Est-ce qu’ils sont dangereux pour mon chien et mon chat ?« . Le premier a été observé dans le salon et le deuxième s’est pavané devant Monsieur Julien alors qu’il était… au pot, en début de soirée dans sa maison à Kigali. (La mise en contexte est importante, du storytelling nom d’une pipe, on veut du sto-ry-te-lling !)

Alors voilà, cher Monsieur Julien, à ma connaissance, il n’y a pas de scorpions (oui, c’est un scorpion) dangereux au Rwanda. Cependant, les piqûres font très, très mal ! Mais pour être sûr, j’ai consulté deux personnes : le Docteur Harald Hinkel, éminent spécialiste en biodiversité de la région et le Docteur Amoul Kulkarni, chirurgien à Kigali.

Le Dr Hinkel identifie le scorpion comme étant Babycurus centrurimorphus, « pas dangereux mais fait très mal » m’affirme-t-il dans son mail. Il se trouve que le Dr Hinkel a justement réalisé une recherche en 1997 sur la toxine « babycurus-toxin 1 » ! La toxine produite par l’aiguillon du scorpion a été testée sur le nerf central du cafard qui y désactive (en gros) les pompes à sodium, ce qui a comme résultat de dépolariser le nerf et de le mettre hors d’usage, une paralysie des zones irriguées par le nerf s’en suit. Même si l’action de la toxine n’a pas été testée sur les pompes à sodium des mammifères, son action semble spécifique aux insectes.

Pas dangereux dans l’absolu ? C’est là qu’intervient le Dr Kulkarni : « même si la toxine n’est pas mortelle, elle peut cependant créer un choc anaphylactique chez les personnes allergiques ou des problèmes cardiaques à cause de la douleur et le stress chez les personnes sensibles« . Attention quand-même, donc.

Dr Kulkarni recommande d’éloigner les proies naturelles du scorpion (les cafards) en nettoyant bien la maison et d’utiliser un répulsif naturel, du vinaigre blanc dilué pour nettoyer les parties sensibles de l’habitat pour éloigner les scorpions.

Et voilà Monsieur Julien ! Pas de danger donc, ni pour vous ni pour vos animaux domestiques ! Mais à ne pas caresser quand-même. L’espèce n’est pas agressive mais il ne faut quand même pas lui chercher des noises.

Une question ? N’hésite pas ! Le courrier des lecteurs est ouvert sur Rockn’Science ! Comment poser la question ? En commentaire sur le blog, en mail (eleeuwerck@yahoo.fr), whatsapp (pour les potes), la page Facebook de Rock’n’Science… Je tente de répondre le plus vite possible !


Dangereux les spectacles de pétomanie ? [Courrier des lecteurs]

« La grande libération de gaz lors des spectacles de pétomanie ne risque-t-elle pas de provoquer des explosions dans la salle de spectacle ? » me demande, inquiet, Monsieur E.

Cher Monsieur E, merci pour votre question. Je suppose que cette interrogation fait suite à mon billet sur la combustion plus ou moins contrôlée des pets sur ce blog.

J’avais entendu dire que oui, qu’il était strictement interdit de fumer lors des spectacles du fameux Joseph Pujol, célèbre pétomane et pionnier en la matière inconsistante de l’émission de pets au début du 20ème siècle. Petite parenthèse au sujet de Pujol, il ne faut pas croire que « le pétomane » était un artiste underground qui pétait dans les arrières salles de café miteux, non Monsieur, Pujol faisait salle comble au… Moulin Rouge ! Parfaitement !

Affiche d’un spectacle de Pujol au Moulin Rouge. https://www.bloglagruyere.ch

 

Pujol avait un répertoire très varié de sons anaux dont vous pouvez avoir une idée de l’étendue sur une incroyable découverte de marché aux puces : un vinyle original d’un de ses spectacle :

Un autre pétomane célèbre et plus actuel est l’anglais Mr Methane. Comme son nom l’indique et comme expliqué dans mon post pour enflammer ses pets, le principal gaz contenu dans les pets issus de la digestion est un gaz très inflammable, le méthane CH4 et serait le principal composant des émissions gazeuses du bien-nommé « Mr Methane »… Seulement voilà, pour en revenir aux classiques, Pujol avait une particularité physique qu’il avait découverte lors de vacances à la mer : sa capacité à « inspirer » de l’eau dans son rectum par l’anus lors de contraction musculaires spécifiques dans la cavité abdominale, quand il nageait. Pujol a eu l’excellente idée d’essayer de faire de même mais en plein air et le résultat ne peut pas être mieux décrit que la page wikipedia qui lui est consacrée :

« Jospeh Pujol (…) est particulièrement célèbre pour la remarquable maîtrise de ses muscles abdominaux qui lui permettait de lâcher des gaz à volonté : il pouvait ainsi jouer Au clair de la lune avec un flûtiau, et éteindre les lumières de la scène. »

Mais dans le cadre de notre question « les spectacles de pétomanie sont-ils dangereux », l’origine du gaz est importante… En effet, si pour faire enflammer ses pets il faut des gaz issus de la digestion, Pujol, pour faire du bruit inspirait de l’air ! Donc, non, les spectacles de Pujol ne risquaient pas de voir le Moulin Rouge péter lors de spectacles de pétomanie.

Pujol n’avait pas youtube… Mais Mr « Methane » oui ! Enfin, de « Methane », ses pets n’en ont que le nom puisque cet artiste très populaire explique clairement, dans la vidéo suivante, comment il fait pour aspirer de l’air par son anus (il a l’air (arf) d’avoir la même particularité physique abdominale que le père Pujol) :

Donc, cher Monsieur E, voilà ! Les spectacles de pétomanes ne risquent pas de faire exploser la salle de spectacle. Et si il y a des odeurs suspectes, il faudrait plutôt suspecter votre voisin que le « performer » lui-même, ses gaz, c’est du vent !

Voilà voilà.

Une question ? Le courrier des lecteurs est dispo ! Si vous avez des questions de science que vous voulez me poser, vous pouvez : écrire un commentaire au bas de cet article, envoyer votre question sur la page FB de Rock’n’Science ou m’envoyer un mail (eleeuwerck@yahoo.fr) !

Je répondrai à vos questions au « courrier des lecteurs » le plus vite possible !


Enflammer ses pets [Les expériences dangereuses] #mondochallenge

Comment enflammer ses pets sans risquer de se brûler ? C’est dans ce post de #mondochallenge sur le caca que vous le saurez ! Et je ne suis pas seul à me prêter au jeu du #caca, il y a aussi Aristides et le Salaud lumineux !

C’est pas tout de suite que je me suis dit « oh ouais ! Je vais faire un post sur les pets pour le mondochallenge #caca ! ». J’avais d’abord pensé à un truc plus sérieux du genre, l’importance des cacas dans la dissémination des graines, la découverte et enseignements des coprolithes, ces fameux cacas fossilisés ou encore la problématique de la contamination des eaux par les défécations non traitées de ces plusieurs milliards d’êtres humains sur notre petite planète toujours plus ou moins bleue. Mais voilà, l’actualité est assez lourde en ce moment et je me dis qu’il faudrait un sujet un peu plus léger, comme des pets par exemple (arf). Et puis, je ramène une mauvaise grippe des côtes kényanes, avec température (j’espère que ce n’est qu’un grippe) ce qui fait que je suis un peu comme un Alfred Russel Wallace délirant sur son lit en pleine crise de malaria à reconstituer la théorie de l’Evolution. Je ne vais pas refaire un théorie de l’évolution hein, mais bon, juste un pet scientifique. Vous pensez que j’ai perdu la raison ? Et bien oui, ça fait un petit temps déjà, mais je ne suis pas le seul, MythBusters a aussi travaillé sur le sujet !

Donc voilà. Je vais élucider cette petite énigme de la science, la vraie science, celle de la vie des gens de tous les jours, comment faire pour enflammer ses pets (en toute sécurité, oui, ça peut être dangereux).

Enflammer ses pets pour rire en famille

Mais comment est-ce possible ? Nos pets, sont constitués d’une bonne partie de gaz inflammables tels que méthane et hydrogène issus de notre digestion mais aussi de gaz non inflammables ingérés lors de l’absorption de nos aliments. L’origine des gaz inflammables sont des nutriments, féculents (sucres lents) et sucres rapides, qui sont plus difficilement assimilables par nos intestins. Ils passent en moins grande quantité dans le système sanguin, restent dans les intestins et continuent donc à être fermentés par nos micro-organismes (des bactéries principalement) dans le tractus intestinal lui-même. Le site allodocteurs est assez complet et pédagogique sur le sujet. Au cours de ce processus, les gaz produits s’accumulent et sont évacués par les voies naturelles. Pour faire les meilleurs pets à enflammer, je vous recommande les aliments suivants :

  • Les fruits, qui contiennent beaucoup de fructose comme les cerises, les poires, les pommes, les dates. Le miel aussi est assez riche en fructose.
  • Les aliments contenant du sorbitol (E420) ou xylitol (E967), des édulcorants utilisés pour remplacer le goût sucré dans le chewing-gum ou les boissons gazeuses « 0% » sucre.
  • Le classique des classiques, les aliments riches en « fibres » avec, entre autre les haricots blancs (flageolets) et les « brussels sprouts » (dans ce contexte, c’est plus sympa que le sobre « choux de Bruxelles », hein dit ?)
  • Vous avez, je suis sûr, une liste perso d’aliments qui vous font péter. Vous pouvez me les rajouter en commentaires, merci.

Si vous avez de la chance, vous êtes peut-être victime du syndrome du « colon irritable » et pouvez produire des pets avec une gamme de produits beaucoup plus variée.

Alors voilà, on a la composition de nos gaz, potentiellement inflammables, mais, en chimie, pour faire une combustion (ou un explosion, qui est une combustion rapide), on utilise le modèle du « triangle du feu » (rire maléfique) :

Le triangle de feu par la chaîne Youtube « La chimie pour les nuls », tout un style

Ce fameux triangle est composé de trois éléments, nécessaires à une combustion. Dans le cas de nos pets, les combustibles sont les gaz inflammables, l’énergie avec la flamme du briquet disposée devant l’anus et puis, le comburant… Le comburant est ce qui permet à un combustible de brûler, c’est ce qui fourni l’oxygène ! Car sans oxygène, les combustibles ne brûlent pas. Ce comburant se trouve dans l’air et, lorsque le pet est émis, il se mélange avec l’air pour former un mélange détonnant méthane/hydrogène + oxygène.

Si notre pet était du méthane (CH4) pur, la réaction chimique de combustion serait la suivante :

CH4 + 2O2 –> CO2 + 2H2O + Energie

Un calcul stœchiométrique rapide nous permet de dire que le mélange parfait CH4 et O2 pour une meilleure combustion serait, en volume, de 33% de méthane et de 66% d’oxygène. Puisque l’oxygène est présent à 21% (en volume) dans notre atmosphère, les proportions doivent être de 9,5% de méthane et 90,5% d’air. Dans des conditions standards (je néglige le fait que le pet sort à une température de 36,7 °C). A part faire le malin, ces calculs donnent une bonne information pour savoir à quel distance de l’anus placer l’énergie, la flamme du briquet, pour avoir le plus de chances d’enflammer son pet : pas trop proche (proportion trop élevée de CH4), mais pas trop loin de son anus non plus (proportion trop élevée de O2). Euh oui, vu la précision de ma conclusion, mes calculs étaient uniquement destinés à faire le malin.

Si vous gérez bien votre débit de pet, que votre composition en gaz inflammables correspond à une alimentation équilibrée et que votre briquet est à une bonne distance de votre anus, vous pourrez probablement arriver à ceci :

Est-ce sans danger ? Malheureusement, ce divertissement innocent comporte certains risques dont le principal est le « reflux ». En effet, à trop pousser avec les muscles de la ceinture abdominale une dépression dans la partie terminale du côlon est créée au relâchement des muscles. Le résultat sera que la dépression va « inspirer » le mélange gaz combustibles + air + énergie dans le rectum et le colon sigmoïde… De graves brûlures peuvent en résulter !

Fin du système digestif. Credit : futura-sciences.com

Un cas assez célèbre de brûlure dans les intestins pour cause de gaz digestifs enflammés est celui, totalement ahurissant de ce hamster, coincé dans l’anus d’une personne s’adonnant à des jeux sexuels. Le hamster ne voulant plus sortir, le partenaire de la personne au rongeur dans l’anus a l’excellente idée d’allumer une allumette au niveau de l’anus de son compagnon pour tenter d’attirer le hamster. Le rectum étant fortement dilaté, de l’air y avait pénétré, le pelage du hamster prend feu qui, effrayé, s’enfonce un peu plus, enflamme une poche de gaz dans le colon sigmoïde qui, sous pression, expulse le hamster en feu comme un boulet de canon cassant le nez du partenaire et le brûlant jusqu’au deuxième degrés ! La nouvelle est difficilement authentifiable…  A l’origine, elle proviendrait du journal le Los Angeles Times, aux alentours de 1998 et a été relayée sur les antennes de RTL à une date inconnue sur base (selon le journaliste de RTL qui lit cette « info ») d’une dépêche AFP… Cette nouvelle a cependant été reprise sur le site des Darwin Awards qui, régulièrement décerne des prix à ceux et celles dont leur stupidité a eu raison d’eux, ce qui, selon les Darwin awards, permet par sélection naturelle d’éliminer naturellement la partie la plus stupide de l’humanité. A prendre comme une « légende urbaine » donc, mais ça reste drôle à entendre.)

Un dernier danger à cette manip est le manque de force à l’expulsion des gaz ou la distance trop importante entre l’anus et le tissus du pantalon, si vous décidez de faire cette expérience habillé. Dans ce cas, les gaz peuvent rester dans les vêtements où, au-lieu d’être éjectés assez loin de l’anus, ils vont rester aux alentours des fesses et des cuisses. Pour ce résultat là :

https://www.youtube.com/watch?v=bjRs-ZHRnA4

Voilà voilà…

(J’ai toujours des chutes aussi puissantes, mais que faire ? En plus, avec un sujet pareil…)

Ah j’oubliais, dites-moi dans les commentaires les aliments qui vous font le plus péter !

Et si vous avez des questions, remarques, critiques, expressions de dégoût, n’hésitez pas à les partager en commentaires aussi, j’y répondrai !

 

 

 

 

 

 


Six attitudes à adopter face à un serpent

Un serpent dans le jardin, quelle horreur ! Vraiment ?

C’est encore une fois mon fils qui, en farfouillant dans le jardin est tombé sur ceci.

Lamprophis lineatus ; E. Leeuwerck CC BY-NC

Dans ce genre de situation​, l’essentiel est de savoir « est-il agressif ou pas ? » Mais face à un serpent, quel qu’il soit, les mesures de sécurité sont :

  • Se tenir à distance d’au moins le double de la longueur de la bête sauf si…
  • …c’est un serpent cracheur. Dans ce cas une distance de minimum 4 mètres est recommandée !
  • Ne pas essayer de l’attraper si vous n’êtes pas expérimenté
  • Ne pas provoquer le reptile, bien sûr ; la plupart des serpents fuient les humains mais il y a des exceptions, des serpents se sentant menacés peuvent attaquer sans crier gare et en général, ceux-là peuvent avoir des morsures dangereuses !
  • Appeler un expert pour une évacuation si il se trouve dans votre maison.
  • En cas de morsure, ne pas jouer aux Rambo ! Ne pas s’écorcher au couteau, ne pas faire de garrot, ne pas aspirer l’endroit de la morsure, cela ne ferait qu’empirer les choses ; le mieux est de rester le plus calme possible, ça va limiter la diffusion du venin dans le corps, et demander à quelqu’un de chercher de l’aide pour vous.

Une serpent, même pas agressif peut mordre et il se met dans une position facilement reconnaissable :

L.lineatus en position de defense ; E. Leeuwerck CC NC-BY

Il forme un « S » juste derrière sa tête, une position qui lui permet de réagir dans n’importe quelle direction et d’avoir une bonne impulsion pour attaquer.

Mais dans notre cas, ce serpent est-il dangereux ? Pour cela, il faut tenter de l’identifier.

  • Première chose, il a une tête de type « python », des lignes claires de part et d’autre de la tête, c’est un serpent du genre « Lamprophis », serpents dit « des maison » communs, inoffensifs, mais certaines espèces peuvent mordre facilement.
  • Pour l’espèce, s’il est plus foncé avec des couleurs bleu pétrole, c’est probablement « L. fuliginosus » et lui, il peut être plus agressif. Ce n’est clairement pas lui mais pour être sûr, j’envoie la photo au Docteur Hinckel, spécialiste en serpents de la région. La réponse ne tarde pas à venir : Lamprophis lineatus, LE serpent des maisons, mangeur de souris. Ouf.

Pas de danger donc. Mais oui, « des maisons » ? Oui. Il vit dans les jardins, dans les faux-plafonds, derrière les armoires, dans les sous-bassements. Mais pas de panique, il y a peu de chance que vous tombiez dessus ! Les serpents des maisons vivent une vie parallèle à nous, Homo sapiens : ils sont discrets, choisissent des abris inaccessibles pour nous, vivent la nuit et nous fuient…

Malgré toutes les phobies que vous évoquent ces animaux, ne les tuez pas… Ils sont bien évidemment un maillon important des écosystèmes africains ! Et puis, n’oubliez pas, ils mangent des souris 😉.

Les observations de L.lineatus sur iNaturalist


« La science à contrepied », c’est 40 blogueurs scientifiques qui écrivent un livre

Quand quarante blogueurs scientifiques se mettent ensemble pour faire un livre, ça donne « La science à contrepied » ! Et votre serviteur Rock’n’Science y a contribué.

« La science à contrepied », c’est prendre le public par là où il ne s’attend pas, intellectuellement s’entend bien. Et puis, comme dit dans la description du livre, c’est « le meilleur de la blogosphère pour découvrir la science autrement », dans la collection « science à plumes » de Belin.

« Pour la première fois, un ouvrage réunit les talents de 40 blogueurs, dessinateurs et youtubeurs de science pour plonger le lecteur dans cet étonnement permanent de la recherche scientifique ». Mais alors de quoi parle concrètement le livre ? Eh bien, on y aborde un tas de « questions étranges, résultats contre-intuitifs, démarches inattendues ». Vous ne pensez pas que le métal calme, que les fourmis sont des anarchistes, que les marmottes sont des tueuses d’enfants ? Alors il est temps de courir en librairie (oui, le livre est sorti ce vendredi 24 mars!), ce sont des textes, des dessins et des vidéos à diffuser sur vos téléphones avec des QR codes ! La grande classe.

N’oubliez pas de vous attarder sur ma modeste contribution, j’y explique comment enfermer un écosystème dans une bouteille et de regarder ce qui s’y passe, c’est la suite de la manip que j’avais commencé un mois fatidique, mai 2013. Pour la première fois depuis au moins 2,5 millions d’années, l’atmosphère terrestre n’avait pas connu plus de 400ppm de CO2 dans l’atmosphère. C’est quoi cette prise de tête avec ces 400ppm ? C’est bien plus qu’une simple prise de tête en fait, c’est le seuil au-delà duquel les scientifiques ont déterminé que la changement climatique serait irréversible. Oui, irréversible, l’interrupteur atmosphérique du changement climatique. On en parle moins que le foot, hein ? Drôle de monde, comme ceux que vous pourrez créer en lisant ma contribution de « la science à contrepied ».

Allez, je ne vous retiens pas plus longtemps et rendez-vous à la librairie la plus proche !

Bonne lecture déstabilisante !